Forza Mozzarella !

Ty Bufala. Le nom sonne bien à l’oreille et résume à lui seul l’originalité de cette exploitation : une ferme ancrée dans un terroir breton avec une saveur italienne prononcée. Découverte en compagnie de Suzanna Lemoine, éleveuse de bufflonnes et productrice de mozzarella.

Suzanna Lemoine, agricultrice et productrice de mozzarella, aux côtés de l'une de ses bufflonnes dans un champ - Illustration Forza Mozzarella !
Suzanna Lemoine a quitté son métier de vétérinaire pour devenir éleveuse de bufflonnes. Une reconversion mûrement réfléchie et que la nouvelle agricultrice ne regrette en rien.

Dans l’assiette, déposez une simple boule de mozzarella agrémentée de quelques feuilles de basilic frais et d’un filet d’huile d’olive. Fermez les yeux et dégustez. Par la grâce de vos papilles, vous voici propulsé en pleine Campanie. Egalement connue pour son littoral spectaculaire et ses ruines antiques, cette région du sud-ouest de l’Italie est le berceau de celle que les Transalpins appellent l’or blanc : la Mozarella di Bufala Campana. Avec son nom en forme d’invitation au voyage, ce fromage à pâte filée, produit à partir du lait de bufflonnes, est un morceau d’Italie très apprécié des gourmets à travers la planète.

Les amateurs bretilliens ont de la chance : depuis peu, il existe une production locale de mozzarella à Erbrée. Après avoir exercé une dizaine d’années en tant que vétérinaire à Fougères, Suzanna Lemoine a, en effet, choisi de donner un nouveau cap à sa vie professionnelle en optant pour l’agriculture. « Après mon bac, j’avais déjà été tentée par un BTS Acse, se remémore-t-elle. N’étant pas originaire du milieu agricole, je me suis finalement orientée vers des études de vétérinaire ». Dans sa pratique, la jeune femme a ensuite été amenée à côtoyer des agriculteurs. « Mais j’éprouvais une forme de frustration à être sur les fermes uniquement pour m’occuper de la santé des animaux, à ne pas pouvoir appréhender globalement une exploitation ». À cela s’ajoute la lassitude du rythme des gardes qu’elle doit enchaîner au cabinet tout comme son conjoint Olivier, également vétérinaire. Et c’est ainsi que ressurgit l’envie d’agriculture chez cette mère de deux jeunes enfants.

Une boule de mozzarella agrémentée d'une feuille de basilic et arrosée d'un filet d'huile d'olive.
Il faut près d’un litre de lait de bufflonne pour produire une boule de mozzarella de 180 grammes.

Droit de véto

Avant de raccrocher sa blouse et son stéthoscope, Suzanna prend le temps de peaufiner son projet. « Cela m’a trotté dans la tête pendant au moins cinq années ». Côté formation, alors qu’elle achève son BPREA à distance, un ancien confrère devenu agriculteur lui apprend que son diplôme initial de vétérinaire lui donne droit à une équivalence. « J’avais été mal renseignée au départ mais au moins j’ai profité des stages en élevage bovin ! »

Intéressée par la production laitière avec transformation, la jeune femme, attirée par les exploitations atypiques, souhaite se démarquer. Emerge ainsi l’idée de la mozzarella. Puis, en tirant le fil, celle de l’élevage des bufflonnes. L’étude de marché se révèle prometteuse. La dynamique Bretillienne entreprend dès lors une formation fromagère à Rennes. Avant de mettre le cap sur l’Occitanie pour se perfectionner aux côtés d’Edoardo Antonini, éleveur de bufflonnes et fabricant de la meilleure mozzarella de France selon « Très très bon », l’émission culinaire du journaliste gastronomique François-Régis Gaudry.

Étape après étape, le projet prend forme. Le site de sa future exploitation trouvé, l’échange avec le Crédit Mutuel de Bretagne, son partenaire bancaire, l’amène à adapter son plan de financement en priorisant certains investissements. Et en octobre 2023, Suzanna concrétise enfin son projet au long cours en s’installant officiellement.

Une boule de mozzarella agrémentée d'une feuille de basilic et arrosée d'un filet d'huile d'olive dans une assiette
Il faut près d’un litre de lait de bufflonne pour produire une boule de mozzarella de 180 grammes.

La voie lactée

Aujourd’hui à la tête d’un troupeau de 35 animaux – une vingtaine de mères et leur suite –, l’agricultrice, qui est en conversion bio, transforme elle-même le lait de ses bufflonnes. « Je suis en monotraite. Les bufflonnes produisent peu, de l’ordre de 5 litres par jour en moyenne sur l’année. Mais c’est un lait très riche en protéines et en matière grasse ». Et qui donne à la mozzarella sa texture caractéristique et son goût unique.

Chaque samedi matin, sur le marché de la ville voisine de Vitré, Suzanna propose mozzarella, yaourts mais aussi viande de bufflons élevés au lait de leur mère et à l’herbe. Elle y retrouve nombre de clients qui suivent en ligne la vie de la ferme Ty Bufala, très active sur les réseaux sociaux (Instagram, Facebook…).

Les premiers mois de commercialisation démontrent que la demande est bien là. Et c’est la capacité de production qui constitue, à ce stade, le facteur limitant. « L’équilibre devrait intervenir la quatrième année, avec un troupeau de 35 laitières en production », souligne l’éleveuse, dans les clous de son prévisionnel. De quoi envisager l’avenir avec confiance. D’autant que l’un des principaux objectifs est d’ores et déjà atteint : « J’ai vraiment trouvé ma voie ! »

Jean-Yves Nicolas

En savoir plus : www.tybufala.fr

« Un partenariat plein de sens »

Opinion : Christophe Drugeot – Responsable de clientèle agricole, Pôle d’expertise CMB de Vitré.
Une installation en production de lait de bufflonne et fabrication de mozzarella ne pouvait que séduire un inconditionnel de l’Italie comme moi. J’ai adhéré au modèle d’installation présenté par Suzanna Lemoine. Son parcours professionnel antérieur, le travail fourni sur les aspects techniques, économiques et financiers de son projet lui ont permis d’établir un prévisionnel porté avec passion et cohérence. Outre l’élaboration du plan de financement, nous avons abordé la gestion de la trésorerie, l’assurance prévoyance et l’offre de services de telle sorte que le partenariat bancaire prenne tout son sens, gage d’un démarrage d’activité qui soit le plus serein possible, préalable à la réussite d’un beau projet.


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