Il s’adapte au changement climatique en plantant des arbres dans ses champs

Parce qu’il voulait redonner du sens à son métier, Sébastien L’Hostis a fait le choix d’une transition agro-écologique intégrant une dimension essentielle à ses yeux : l’adaptation au changement climatique. Pièce maîtresse de sa démarche : l’agroforesterie. Sur 24 hectares de pâtures et de prairies, l’éleveur a planté 3 500 arbres. Reportage à Ploudalmézeau.

Un couple avec des vaches dans une prairie plantée d’aulnes glutineux - Illustration Il s’adapte au changement climatique en plantant des arbres dans ses champs
Sébastien et Gwenn L’Hostis dans une prairie plantée d’aulnes glutineux en 2018. Déjà leurs vaches broutent à l’ombre... « Pour capter l’eau, il faut du relief, souligne l’éleveur. Quand une pluie arrive ou qu’un brouillard s’installe, les arbres retiennent l’eau qui, elle, ne fait que passer ! ».

« Si on écoute les médias – s’occuper de l’urgence climatique – c’est bon pour dans 30 ans… Non ! On ne peut plus dire qu’on verra ça demain. Bientôt, ici, on aura le climat du Morbihan. C’est maintenant qu’il faut agir ».

Sébastien L’Hostis est comme ça : franc, direct. Dans une de ses pâtures, à l’ombre d’un aulne, il raconte sa conversion à l’agro-écologie : « J’étais un paysan typique, celui qui manifeste quand ça ne va pas. J’ai voulu redonner du sens à mon travail. En 2007, j’ai tapé sur Internet : changement climatique, eau, biodiversité… Le mot qui est ressorti le plus souvent : c’est ‘agroforesterie’. J’ai mis dix ans à concrétiser les choses ».

Il s’informe et rencontre Alain Coïc, technicien Breizh Bocage, aujourd’hui retraité. « Planter des arbres autour des parcelles, pourquoi-pas, lui ai-je dit, mais je veux en planter aussi au milieu de mes champs. Alors Alain m’a répondu : on ne m’a jamais demandé ça, on va le faire ensemble ! ».

« Les paysans ont un pouvoir énorme pour contribuer à sauver la planète »

16 parcelles en une

« Planter des arbres, je trouvais que c’était une idée pratique, noble, innovante. Alain m’a conseillé sur les essences. On les a choisies en fonction de l’humidité du sol, de son épaisseur, de l’exposition des pâtures au vent… Dans mes prairies humides, on a mis des aulnes glutineux parce que leurs racines pivotantes assèchent la zone (voir photo). J’ai aussi planté du mûrier blanc, un arbre légumineux appétent pour les vaches et qui équivaut à de la luzerne ».

Symbole de ce vaste chantier : un champ de 11 ha entièrement remanié : « Avant le remembrement, il était déjà divisé en 16 parcelles exploitées par mon grand-père. J’en ai refait 16 nouvelles adaptées à mon élevage. Breizh Bocage s’est occupé des haies qui l’entourent et protègent l’ensemble. J’ai compté un are par jour et par vache sur la base de 70 vaches. Sur ces 11 ha, on a planté une haie forestière toutes les deux rangées d’agroforesterie (voir Repères). Quand les arbres seront plus grands, j’espère gagner un mois de pâturage à la fin du printemps, même chose en fin d’été pour le redémarrage de l’herbe ».

La clef du sol

Mais qu’espère l’éleveur de ces arbres pour ses bêtes et ses sols ? « Stockage de carbone, biomasse et biodiversité sont mes termes clefs pour agir contre le changement climatique. Mes vaches auront plus de fraîcheur, d’autant que mes nouvelles parcelles – orientées nord-sud – maximisent l’ombre portée. L’herbe sera plus verte sous les arbres et l’humidité mieux conservée. Il y aura plus d’oiseaux, plus d’insectes… ».

Quant aux sols, Sébastien L’Hostis se plaît à rappeler « qu’ils concentrent 60 % de la vie sur terre ! ». Il soutient que les systèmes racinaires de ses arbres vont favoriser les réseaux mycorhiziens et que ces réseaux permettent un développement plus rapide des plantes, améliorent leur résistance à la sécheresse et assurent une protection contre les maladies bactériennes et fongiques.

« Le jour où on va vraiment développer cette démarche, on va comprendre que les paysans ont un pouvoir énorme pour contribuer à sauver la planète ! ».

Pierre-Yves Jouyaux

Repères : Élevage laitier bio (depuis 2021) ;70 VL 70 ha système herbager ; 300 000 l..Agroforesterie : 3 500 arbres plantés de 2018 à 2021 sur 24 ha ; Budget : 25 000 € ; 14 essences : noyers, chênes verts, châtaigniers, merisiers, mûriers blancs, aulnes…Espacement :6 m entre chaque arbre / 35 m entre deux plantations. Une haie forestière sur trois rangées d’arbres plantées ; Taille des parcelles : 70 ares. Aides et accompagnement : Arbres d’Avenir – Département du Finistère – Breizh Bocage – AFAF : Association française d’agroforesterie.

Transition vers… moins de stress

En prenant un virage agroforestier, Sébastien L’Hostis a aussi changé sa façon de travailler : « Je suis passé à un système extensif. Je produis moins de lait, moins de matière sèche, mais c’est compensé par la baisse des charges. J’ai vendu mon robot de traite, racheté une salle de traite d’occasion et suis passé à la mono-traite. Je n’achète plus de phyto, plus de semence, plus de soja et j’ai moins de frais véto, c’est déjà une récompense ».Gwenn, sa femme jusque-là enseignante à l’Ireo de Lesneven et qui va bientôt le rejoindre sur l’exploitation le confirme : « En tant que prof de gestion, j’ai analysé pas mal de documents comptables. Même avec moins de lait, la réduction des charges et du temps de travail ont permis à la rémunération horaire de Sébastien de fortement progresser. L’exploitation va subvenir à nos besoins et à ceux de nos deux enfants. Et puis, en vivant auprès de Sébastien, j’ai pu observer la diminution de son stress au travail. Une sérénité s’est installée, finie la course aux semis, aux récoltes… ».


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