Il peut paraître malvenu de parler constitution de réserves d’eau à l’heure où les remorques d’ensilage s’enfoncent parfois jusqu’au ventre dans la terre détrempée. Et pourtant. L’eau c’est comme le fourrage : c’est quand elle est en abondance qu’il faut la stocker.
En réalité, c’est toute une acculturation de la gestion de l’eau qu’il faut se réapproprier après d’un millénaire passé à l’évacuer. L’histoire du drainage débute en effet au Moyen Âge avec les moines cisterciens et bénédictins qui menèrent l’Europe tout entière à conquérir de nouvelles terres cultivables sur les marécages et les zones humides. Ces grands travaux d’assèchement des sols se sont en quelque sorte prolongés en Bretagne jusque les années 1980 via des programmes de drainage subventionnés par des fonds publics. Avec des résultats souvent mitigés : les prairies humides se sont rarement transformées en plaine céréalière.
Les castors devraient inspirer les politiques de l’eau
Aujourd’hui, les hydromorphologues prônent de passer de l’ère du drainage à celui de la réhydratation des sols. Objectif : augmenter le temps de résidence de l’eau dans la terre qui peut varier de quelques heures à plusieurs jours après une pluie. En soi, ils invitent à reconnecter l’eau à la terre afin de limiter les crues, mais aussi alimenter les rivières, nourrir la végétation en été (cultures et arbres), dans un contexte qui va devenir « profondément turbulent » avec le changement climatique. Pour illustrer leurs propos, ces spécialistes du chemin de l’eau citent en exemple le travail fait depuis 8 millions d’années par les castors dont les barrages ralentissent et stockent l’eau, amplifient la vie végétale et animale en amont de leurs constructions. Les castors devraient inspirer les politiques de l’eau qui aujourd’hui encore s’arc-boutent à l’idée créer des réserves en fond de vallée…
