Au moment de soulever la coupe de Champion de France de course au large, Gaston Morvan avait les yeux qui brillaient. Et l’émotion était perceptible dans sa voix lorsqu’il a expliqué tout ce que cela représentait pour lui. « Avoir son nom gravé aux côtés de ceux de Michel Desjoyeaux, Franck Cammas, Armel Le Cléac’h et tous ces grands marins qui ont marqué la classe Figaro est une vraie reconnaissance. Je connais la valeur de ce titre. De pouvoir l’inscrire à mon palmarès, après mon père qui a remporté ce championnat à quatre reprises, c’est une très belle histoire ».
Le grand gaillard des Abers au regard outre-mer a de qui tenir, assurément. Mais il aurait très bien pu ne pas suivre le sillage paternel. « Enfant, plusieurs métiers me faisaient rêver. J’étais intéressé par les bateaux de pêche que je voyais au port mais les animaux et l’agriculture m’attiraient aussi. Quand vous êtes scolarisé à Lesneven et que vous habitez à Landéda, c’est un peu le dilemme entre la terre et la mer ».
L’intimité de la course
L’appel de l’océan sera finalement le plus fort. « J’ai tiré quelques bords en famille, en optimist, dans les Abers. Puis j’ai poursuivi la voile avec mon école. J’ai bien accroché et j’ai pris goût à la compétition après avoir gagné quelques régates. Mon père nous a initiés mes frères et moi, mais il ne nous a jamais poussés. Et ma mère, elle, a toujours été là pour nous rappeler que la scolarité passait en premier, que la voile ne pouvait être au détriment des études ».
Pendant longtemps, Gaston a donc fait du bateau comme d’autres font du foot. Par passion mais sans envisager que cela puisse un jour devenir son métier. Le déclic se produit à l’âge de 18 ans. « Cet été-là, mon père courait la Solitaire du Figaro. Je suis allé à sa rencontre au niveau de la bouée de la Grande-Basse, au large de Porstall. Il faisait nuit, il pleuvait, les conditions n’étaient pas très engageantes. Et pourtant, cela m’a plu de vivre l’intimité de la course. Je me suis alors dit que cela pouvait être ma voie ».
Premiers pas
Après avoir brillé en voile olympique – Champion de France Jeunes en laser, 3e au championnat d’Europe, 7e au championnat du monde –, Gaston se présente une première fois au Challenge Espoir en 2018. « Je connaissais la filière d’excellence de course au large créée par le Crédit Mutuel de Bretagne et la Région Bretagne. Je savais que tous les bons étaient passés par là ! » Ayant franchi sans encombre les premières phases de sélection, il se retrouve opposé en finale à une autre pépite de la voile bretonne, Tom Laperche. Ce dernier s’impose et débute alors une carrière fulgurante : double champion de France de course au large, vainqueur de la Solitaire du Figaro…
Aux yeux de Gaston, cet échec se révèle être un mal pour un bien. « J’ai terminé tranquillement mon master à l’Institut d’administration des entreprises de Brest tout en me préparant pour une nouvelle candidature au Challenge Espoir ». Sa deuxième tentative sera la bonne. Et c’est sous les couleurs communes du Crédit Mutuel de Bretagne et de la Région Bretagne que le Finistérien effectue ses premiers pas dans le monde professionnel de la course au large. « J’ai vécu quatre années très riches où j’ai beaucoup appris, de la gestion de projet aux ressources humaines, en passant par la préparation physique et la navigation ». Pour Jeanne Grégoire, ex-navigatrice de talent aujourd’hui directrice du Pôle Finistère qui encadre le team Région Bretagne CMB, « Gaston a su mettre de la rigueur dans sa manière de fonctionner. Il a appris à corréler ce qu’il ressent avec des chiffres. Il a une vraie culture et une vision sportive de la course au large. Il aime vraiment ça et ça se voit ! »
Histoire inachevée
Auréolé de son titre de Champion de France, le skipper des Abers conserve son cap et recherche désormais des partenaires pour courir en Imoca, la catégorie reine, celle des bateaux du Vendée Globe. « C’est une classe très intéressante avec de super marins et un programme varié de courses : transatlantique, tour du monde. J’ai envie de découvrir de nouveaux océans. Et puis, avec ces bateaux qui volent, on vit une période passionnante ! »
S’il est bien sur l’eau aux Sables-d’Olonne le 10 novembre prochain, ce sera pour commenter le départ de l’édition 2024 du Vendée Globe. Mais il a la ferme intention d’être à nouveau là en 2028. Et, cette fois, en tant que concurrent. Avant de revenir, un jour, sur la Solitaire du Figaro, parce que son « histoire de famille avec cette course n’est pas achevée ! »
Jean-Yves Nicolas