Développement économique des territoires : L’élevage breton, stop ou encore ?

Malgré les difficultés, l’avenir de la Bretagne agricole doit se construire avec ses filières animales historiques.

Des vaches laitières à la table d'alimentation devant une ration à base de maïs ensilage.   - Illustration Développement économique des territoires : L’élevage breton, stop ou encore ?
© Toma Dagorn - journal Paysan Breton

« La Bretagne est un eldorado pour un élevage engagé dans les transitions depuis des décennies. Notre région reste idéale pour s’installer et développer un projet de vie », a introduit Didier Lucas, président de la Chambre d’agriculture des Côtes d’Armor. Alors que les prochaines élections professionnelles se profilent, pour la dernière session de l’actuelle mandature, le producteur de porc et son équipe ont voulu réinterroger l’avenir des productions animales dans la région.

Le bon équilibre d’une Bretagne exportatrice

« La Bretagne et ses 3,4 millions d’habitants produit des protéines animales pour nourrir 13 millions de personnes et des légumes pour 5 millions de personnes », a rappelé Brigitte Landrain, cheffe du service Élevage à la Chambre d’agriculture Bretagne (Cab). Mais les menaces sont nombreuses : instabilité géopolitique, volatilité des marchés, hausse du prix de l’énergie et des intrants, érosion du budget et nouvelles orientations de la Pac, accords commerciaux internationaux… Parmi les vents contraires, des rapports aussi qui voient dans la réduction de l’élevage la solution miracle pour limiter les Ges et décarboner vite, limiter les dépenses sous forme de subventions… Faudrait-il fortement réduire la voilure en Bretagne ? « La fameuse expression produire ce que nous consommons me gène. D’une part, il n’y a pas de café, de thé ou de chocolat en Bretagne. D’autre part, il faudrait élever des cochons à six jambons et des poulets à huit filets pour combler nos consommateurs… Les échanges sont nécessaires », a insisté Thomas Couëpel, élu à la Chambre consulaire. Le président du groupe Le Gouessant tient à défendre les productions historiques du territoire. « D’autant plus qu’avec le dérèglement climatique, des régions ne pourront plus produire et donc nourrir. » Avant d’appeler à protéger des filières qui peuvent vite être fragilisées : « En volaille, en 2000, la France présentait une balance excédentaire de plus d’un milliard d’euros alors qu’aujourd’hui, elle est déficitaire de 700 millions d’euros. »

Cheptels en chute libre

Un constat appuyé par Brigitte Landrain qui évoque une « chute libre » des cheptels porcin, volaille de chair et bovin désormais. Alors que la taille des fermes fait souvent débat dans l’espace publique, elle rappelle que sur le pas de temps de la mandature, entre 2018 et 2023, les ateliers laitiers bretons sont passés de 75 à 83 vaches en moyenne (+ 12 %). Une dimension assez limitée par rapport à de nombreux pays producteurs de lait. « En parallèle, on est passé de 41 à 44 vaches / UTH. Cela paraît peu mais le travail s’est fortement densifié à l’unité de main d’œuvre. » Le gain de productivité a permis d’atteindre 340 000 L de lait produits par unité de main d’œuvre : « Nous arrivons aujourd’hui à un point de blocage. » Pour la spécialiste, il n’y a plus non plus d’élevage laitier breton type, mais une diversification : « Des systèmes très différents se côtoient, de l’approche herbagère – croisement de races – monotraite jusqu’à l’exploitation intensive, productive et robotisée… En termes de résultats économiques, on constate qu’il y a plus d’écarts intra-systèmes qu’entre systèmes. »

En porc, les ateliers français sont relativement petits par rapport aux autres États-membres. Sur la mandature, si le nombre de truies par UTH est resté assez stable, les élevages sont passés de 235 à 268 truies en moyenne. Surtout, la SAU de la structure porcine bretonne est passé de 68 à 88 ha (+ 30 %). « Et qui dit plus de surface, dit plus de travail », a tenu à préciser Didier Lucas. En volaille de chair, la SAU moyenne des ateliers est passée de 15 à 35 ha, mais surtout les surfaces de poulaillers par UTH ont sensiblement grimpé synonyme d’augmentation de la charge de travail. Par ailleurs, la Bretagne garde un tissu important d’industries agro-alimentaires, mais « des zones commencent à se vider de leurs outils d’abattage et de salaison ».

Après l’élevage, pas de plan B

Mais une Bretagne sans élevage reste imaginable pour l’assemblée. « Il n’y a pas de plan B. » Pour l’entrevoir, Olivier Manceau, directeur à la Cab, a repris le scénario « végétalisation » des travaux de prospective à horizon 2040 menés il y a quelques années. « Les surfaces libérées ne seraient pas cultivables en légumes ou productions végétales à forte valeur ajoutée. Les paysages évolueraient avec un recul du bocage et des prairies. En contrepartie, l’usage d’engrais de synthèse et de phytosanitaires augmenterait, avec un impact évident sur la biodiversité. Le tissu actuel d’usines agro-alimentaires aurait à choisir entre fermer ou faire venir de la matière première agricole d’ailleurs à condition que les fournisseurs acceptent de voir la valeur de la transformation se faire ailleurs. La Bretagne, au climat arrosé pas très favorable aux grandes cultures, deviendrait une nouvelle zone intermédiaire dans l’Ouest produisant des céréales avec un taux de protéines limité… Il faudrait alors espérer que d’autres secteurs aient développé de l’élevage pour nous les acheter. » Et le responsable d’ironiser : « Si c’est stop à l’élevage en Bretagne, alors il faut vite défendre le photovoltaïque au sol pour trouver du revenu aux agriculteurs bretons. »

Toma Dagorn

L’endroit le plus adapté pour s’installer

Opinion – Didier Lucas – Président de la Chambre d’agriculture des Côtes d’Armor

Alors que près de la moitié des agriculteurs partiront en retraite d’ici 2030, l’avenir de l’élevage breton passe par le renouvellement des générations. L’enjeu est évidemment immense. Ainsi le recul de l’âge légal de départ à la retraite est une chance : d’une certaine manière, il nous offre deux ans de sursis.

Notre métier est de plus en plus intéressant. Aujourd’hui, 80 % des élèves de BTS agricoles veulent s’installer. Ils doivent pourvoir concrétiser. Mais cela ne suffira même pas. Il faut aller chercher des candidats hors de Bretagne car notre territoire est l’endroit le plus attrayant et adapté pour s’installer. Ils y trouveront le climat, les entreprises pour les collecter et tous les partenaires nécessaires du para-agricole.


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