Le secteur de l’agriculture représente près de 19 % des émissions de Ges (Gaz à effet de serre) en France. Et l’élevage qui concerne 145 000 fermes, soit 37 % du total, pèse 59 % des émissions de l’agriculture. Entre 1990 et 2022, les émissions de Ges du secteur agricole ont baissé de 16 %, principalement en lien avec le recul du cheptel bovin.
« Quand cette baisse s’arrêtera-t-elle ? Est-elle souhaitable sachant que les ruminants ont la particularité de digérer la cellulose ? Sans eux, on se passerait de cette biomasse intéressante, il n’y aurait plus de prairies qui stockent le carbone, le nombre d’emplois baisserait », a déclaré Jean-Louis Peyraud, de l’Inrae, en introduction à une conférence au Space abordant les leviers pour réduire les émissions de méthane des ruminants. Cette trajectoire de réduction fragilise la durabilité de l’agriculture et limite la production d’aliments de qualité sur le territoire national.
Pourtant, les ruminants restent dans le collimateur des politiques sur le climat. « Car le méthane produit principalement par le secteur agricole, en particulier les ruminants, est 80 fois plus réchauffant que le CO2, et sa durée de vie dans l’atmosphère est beaucoup plus courte. Réduire le méthane permet donc une action plus rapide sur le réchauffement climatique », explique Étienne Mathias, du Citepa (Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique).
Comme les autres grands pays d’élevage, la France consacre des moyens importants à la recherche sur les émissions de méthane. Philippe Mauguin, P.-D.G. de l’Inrae, souligne que l’objectif du programme Méthane 2030 (sur 4 ans jusqu’en juin 2028) de réduire de 30 % le méthane entre 2020 et 2030 est « ambitieux mais pas déraisonnable si on combine plusieurs leviers : l’adaptation des pratiques d’élevage, la sélection génétique et l’alimentation des animaux. »
Nouvel index ‘méthane’ en 2025 D’ores et déjà, le programme « Méthane 2030 » a confirmé la possibilité de sélectionner les animaux les moins émetteurs de méthane. Un nouvel index sera disponible en 2025 pour 8 races laitières. Ce caractère est héritable et sa sélection est possible sans pénaliser les critères de production ou de santé. Les organismes de sélection doivent encore finaliser le poids qu’ils attribueront à ce nouvel index dans leurs objectifs de sélection.
Florence Gondret de l’Inrae présente les deux leviers qui pourraient être activés sur le plan alimentaire. « Les additifs tels que les tanins, les algues, les huiles essentielles jouent sur le microbiote. Des recherches sont en cours. La 2e solution concerne les matières premières riches en matières grasses ou amidon. Les légumineuses dans la ration ou au pâturage sont intéressantes pour réduire le CH4 mais aussi un autre Ges : le N2O. »
Cécile Claveirole, vice-présidente de France nature environnement, précise la vision de son organisation sur l’élevage : « Il est important de garder des vaches dans les prés car elles transforment la cellulose en produits alimentaires. Nous avons besoin du stockage de carbone des prairies et l’élevage génère de la biodiversité. » En revanche, « nous souhaitons que le cheptel enfermé diminue. Les animaux ont besoin de pâturer, de marcher… Et nous nous méfions des additifs. »
Faire de la viande avec le troupeau laitier
« Faire davantage de viande avec le troupeau laitier est une autre piste qui découle d’une stratégie commune entre les filières lait et viande, en utilisant les races mixtes ou le croisement viande », souligne Benoît Rouillé (Institut de l’élevage).
Aux yeux de Jean-Hervé Gaugant, président de la Chambre d’agriculture du Finistère, « la réponse à la réduction des émissions de Ges par les élevages de ruminants est multifactorielle. Mais les éleveurs doivent être incités économiquement à s’engager ». Des aides de la prochaine Pac pourraient être fléchées dans ce sens ? Les entreprises de l’aval (lait, fromages, viande), questionnées sur leur bilan carbone, ont un intérêt stratégique pour que les OP prennent en compte ce critère.
Agnès Cussonneau
« L’élevage durable, une clé »
Philippe Mauguin – P.-D.G. d’Inrae
Aujourd’hui, l’élevage s’invite souvent dans les débats au travers du sanitaire, du bien-être animal, et aussi de son impact sur le dérèglement climatique. Le méthane étant un puissant gaz à effet de serre, la solution souvent évoquée est d’arrêter la consommation de viande et de lait. Mais ce n’est pas notre vision. Demain, il y aura toujours du méthane mais il y en aura moins. Les terres impropres à la production de céréales doivent aussi être valorisées. Les systèmes d’élevage durable sont un élément clé de la transition agroécologique. Même en agriculture biologique, les engrais organiques sont utilisés pour la fertilisation.