La faim dans le monde est-elle un problème technique ou politique ?
À l’échelle mondiale, nous produisons l’équivalent de 300 kg de céréales par an et par habitant (344 kg en 2023) alors que les besoins sont évalués à 200 kg par habitant. Nous pouvons donc nourrir 1,5 fois l’humanité. Pourtant, dans cette société d’abondance, nous avons un problème de pauvreté. Il s’agit d’un problème politique et non technique. Le Brésil, par exemple, est un pays fortement exportateur de denrées agricoles et pourtant 6 % de la population souffre de la faim.
Les rendements en bio sont-ils équivalents à ceux du conventionnel ?
Sur 75 % des surfaces de la planète, l’agriculture biologique obtient de meilleurs rendements à l’hectare que l’agriculture conventionnelle. Les rendements plus faibles de la bio européenne et nord-américaine est réelle (par rapport au conventionnel), mais elle est extrêmement spécifique à nos systèmes de monocultures. Les plantes ont de très bons rendements à condition de maîtriser de nombreux éléments : irrigation, ravageurs, fertilisation chimique, génétique… En fait, elles donnent le maximum à condition de faire la guerre au vivant. Si nous supprimons les « béquilles » chimiques à ces monocultures standardisées, leurs rendements baissent.
Comment assurer les rendements en bio ?
Dans un système agricole normal, c’est-à-dire comportant plusieurs espèces adaptées au milieu et en interaction avec l’environnement et les savoirs paysans, l’ajout de chimie ne sert à rien. Un hectare de blé conventionnel, avec apport massif de chimie, produit au maximum 10 tonnes. Un hectare de maraîchage bio diversifié (légumes variés sur la même parcelle) peut produire 20 à 50 tonnes par an. L’agriculture biologique permet d’optimiser les cultures associées complexes, et multiplier les rendements quelles que soient les conditions de l’année grâce à l’optimisation du sol et du soleil.
La bio peut-elle nourrir l’humanité ?
De nombreuses études, notamment celles de l’Université d’Essex, en Angleterre, ont comparé les rendements à l’échelle planétaire et modélisé une conversion bio globale, et elles concluent toutes en faveur de l’agriculture biologique (avec une légère baisse des rendements en Europe mais une très forte augmentation dans les pays du Sud). Une conversion totale de la planète en bio permettrait d’augmenter la production alimentaire globale et de nourrir la population mondiale.
L’élevage a-t-elle sa place dans ce système bio ?
L’élevage est indispensable à l’agriculture biologique. Mais il faudrait diminuer le nombre d’animaux. 60 % de nos surfaces en blé servent à l’alimentation animale. Les porcs et les volailles devraient consommer des déchets et les bovins devraient être nourris à l’herbe. La société doit aider les paysans à changer de système. On ne pourra jamais nourrir le monde en bio avec le régime carné des occidentaux. Propos recueillis par Bernard Laurent
C’est bien de manger local ; c’est mieux de manger bio
L’agriculture pèse pour 25 % des gaz à effet de serre et pour 35 %, avec l’industrie agroalimentaire. C’est le changement d’affectation des sols qui pèse le plus dans ce bilan, comme les prairies en cultures, par exemple, en Bretagne. Sans compter que la prairie abrite plus de biodiversité qu’une forêt… C’est la fabrication des engrais azotés de synthèse qui émet le plus de GES. Bien plus que le transport des denrées. C’est bien de manger local, mais c’est mieux de manger bio. Sans compter la dépendance politique liée à l’approvisionnement en engrais (Russie, Azerbaïdjan…).