Rassemblant une trentaine de spécialistes agricoles issus des quatre départements bretons, la communauté « Énergie renouvelable » du Crédit Mutuel de Bretagne a, par le passé, déjà démontré toute son expertise et son efficacité dans le photovoltaïque et la méthanisation. « Nous avons ainsi financé 42 % des installations de méthanisation en fonction sur le territoire régional », rappelle Thomas Lacote, responsable du marché de l’agriculture au CMB. Mais en ce début d’automne, c’est une autre forme d’énergie renouvelable qui retient l’attention des troupes maison : le bois énergie.
À Plessala, dans le Mené, au cœur de cet Argoat costarmoricain où la ressource bois abonde, Jacques Bernard, de l’Association d’initiatives locales pour l’énergie et l’environnement (Aile), plante le décor. « Pour un agriculteur, le bois énergie peut constituer une opportunité pour renforcer l’autonomie de son exploitation, se diversifier, s’ancrer dans la vie économique locale. Et aussi, plus largement, contribuer aux enjeux de transitions des territoires ».
D’indéniables atouts
En Bretagne, le bois énergie représente aujourd’hui 76 % de la production de chaleur renouvelable, toute forme de combustible confondue. Le panorama est vaste et comprend aussi bien les poêles à bûches et à granulés que l’on retrouve dans les maisons individuelles que les chaudières automatiques à bois déchiqueté qui, en fonction de leur puissance, peuvent alimenter un élevage, une serre, un hôpital ou un bâtiment industriel.
À noter que l’amélioration du parc d’appareil de chauffage au bois a un impact fort sur les émissions de poussières. « On estime qu’une chaufferie collective qui dessert 150 équivalent logements (unité de consommation de 4 personnes dans un 80 m²) et brûle 600 tonnes annuelles de bois n’émet pas plus de particules que 5 foyers ouverts », souligne Jacques Bernard. Au global, le bois énergie présente d’ailleurs un bilan environnemental des plus intéressants puisque pour produire 11 mètres cubes apparents de plaquettes, soit le volume contenant l’équivalent énergétique de 1 000 litres de fioul, la consommation du matériel est inférieure à 22 litres de fioul. « Le bois énergie permet de répondre au défi climatique. Pour 1 000 tonnes de bois ainsi valorisées, ce sont 800 tonnes de CO2 économisées par rapport au fuel. Et plus de 600 tonnes si l’on compare au gaz ».
S’y ajoute un indéniable intérêt territorial avec la valorisation des ressources ligneuse locales et le développement d’emploi de proximité tant pour la fourniture de combustible que l’exploitation de la chaufferie. Sans oublier, et ce n’est pas le moindre de ses atouts, le paramètre économique. « Le bois déchiqueté constitue le combustible le moins cher. Et, parmi les différentes sources d’énergie, c’est celle dont le prix est le plus stable ».
Cohérence économique
Animé par les associations Aile et Fibois (filière forêt bois bretonne), le plan bois énergie Bretagne, couplé au soutien financier des partenaires publics, a permis de faire émerger plus de 550 projets de chaufferie en une vingtaine d’années. Ce qui représente quelque 550 000 tonnes de bois consommées chaque année, pour 310 000 tonnes de CO2 évitées et plus de 400 emplois créés.
Dans le secteur agricole, qui représente un tiers des projets, les usages sont variés. Les productions de porcs (51 %), veaux (21 %) et volailles (12 %) sont actuellement les plus représentées mais la chaleur produite sur une ferme peut aussi être mise à profit pour chauffer des gîtes, une serre, un atelier de transformation… « Le bois énergie, s’il est bien géré, peut permettre à un agriculteur de faire des gains sur sa facture énergétique », confirme Jacques Bernard.
Alors, bien sûr, chaque exploitation demeure un cas particulier, avec des besoins énergétiques et des ressources en bois qui lui sont spécifiques. D’où tout l’intérêt de bien se renseigner en amont et de peaufiner son dossier avec le concours de spécialistes compétents, tels ceux de l’association Aile qui pourront, en outre, informer sur les différentes aides financières susceptibles d’être accordées. « Cependant, rappelle Ronan Simon, responsable adjoint de l’agriculture au CMB, il convient de garder à l’esprit qu’un projet doit avoir sa propre cohérence économique. Les éventuelles subventions ne sont à envisager que comme un plus ».
Cas pratique
À l’issue de la formation, était proposée une visite de la chaufferie installée sur la ferme du Bigna, à Plessala. Cette exploitation bio familiale produit et commercialise en circuits courts des volailles de chair et des porcs élevés en plein air. « Nous sommes équipés d’une chaudière à bois depuis 26 ans, explique Dominique Rocaboy, agriculteur et figure de ce territoire du Mené, laboratoire des énergies renouvelables. La première unité de 40 kilowatts a été remplacée après 22 ans de fonctionnement par un modèle plus puissant de 100 kilowatts. Nous alimentons désormais en chauffage sept maisons et trois studios du hameau ».
Avec 14 kilomètres de haies, l’exploitation est très largement autosuffisante en bois. « Pour l’ensemble, nous consommons de 120 à 130 m3 de plaquettes par an. Nous en avons produit 830 m3 l’an passé pour un coût global de 10 500 euros, soit un coût de revient de 12,65 euros le m3. C’est un mode de chauffage économique qui permet de proposer des logements décents à des loyers raisonnables. Cela fidélise les locataires. Ici, le bois est un atout ». Et un carburant de la transition énergétique !
Jean-Yves Nicolas