« On ne peut piétiner le statut du fermage »

À Louargat, 60 personnes sont venues soutenir deux éleveuses subissant des pressions, jusqu’à la destruction de leurs prairies.

Une mobilisation de sympathisants de la Confédération Paysanne en Bretagne - Illustration « On ne peut piétiner le statut du fermage »
Lors de la mobilisation, des agriculteurs ont resemé les prairies détruites illégalement. | © Toma Dagorn - journal Paysan Breton

Mardi 26 novembre, à l’appel du Gab 22 et de la Confédération paysanne, 60 personnes se sont rassemblées à Louargat chez Sorya Sébille. Cette dernière est installée sur la commune depuis 2015. En 2022, associée avec sa mère Odile, elle a changé de site pour construire une bergerie sur les terres familiales. 70 ha de foncier se libérant autour du siège, elle s’est positionnée sur ceux à proximité immédiate de son bâtiment en faveur du pâturage de leurs ovins viande. « J’ai contacté les propriétaires. En mars dernier, après une rencontre avec un notaire, nous avons signé un bail. L’ambiance était bonne. » Ces 6 ha apportant de la cohérence à sa petite structure comptant aujourd’hui 20 ha et un poulailler de 400 m2, son projet avait été soutenu unanimement en CDOA, rappelle Véronique Grot, responsable de la FDSEA 22, venue en voisine.

De l’accès au foncier au droit au revenu

Ses prairies retournées sous ses yeux

Sorya Sébille s’est aussi positionnée sur un lot très proche, de l’autre côté de la route communale. « C’est là que la concurrence a commencé à m’intimider, me menacer, pour que je renonce à cette demande. » Le vent tourne tout à coup du côté des propriétaires qui voudraient maintenant changer de locataire… Depuis, la pression n’a cessé de monter. Le 28 septembre, vers 8 h, alors que la jeune femme sortait son troupeau, trois tracteurs équipés de déchaumeur et herse rotative ont retourné, sous ses yeux médusés, 4 ha de prairies. Les gendarmes sont venus, une plainte, en cours d’instruction, a été déposée. L’éleveuse a pris un avocat. « On ne me laisse pas tranquille, les intimidations se poursuivent », lâche-t-elle au bord des larmes. Elle a perdu des pâtures pour l’automne et ne ramassera pas le foin prévu au printemps. Même si une commission du 10 octobre à la DDTM confirme que Sorya Sébille est bien autorisée à exploiter ces 6 ha, la situation n’est pas stabilisée. Elle se sent surveillée. « Il y a un mois, l’entrepreneur est venu semer. Lui et moi avons reçu de nouveaux SMS… »

Garantir l’installation

L’indignation traverse toute l’assemblée. « Menaces et intimidations ne sont pas rares lorsque des candidatures concurrentes viennent chagriner les plans d’expansion de grosses structures. Combien ont renoncé à candidater sous pression de voisins ou de propriétaires ? Il faut saluer le courage de ces deux paysannes », a démarré Cécile Thomas, de la Conf’. « Ces parcelles détruites en toute illégalité sont le point d’orgue d’un long travail de sape pour que Sorya renonce à son bail et retire sa demande d’autorisation d’exploiter sur 7 autres hectares. » L’Administration ayant confirmé le droit d’exploiter et le bail rural signé étant valide, la syndicaliste insiste : « Le statut du fermage régit les droits et devoirs des propriétaires et locataires. C’est un statut fort, qui à la fois engage et protège le locataire et lui permet de développer une activité pérenne. Ce statut, on ne peut pas le piétiner. » Les représentants du Gab 22 et du syndicat réclament à l’autorité judiciaire « un traitement prioritaire » de la plainte. « L’Administration est informée sans effet à ce jour puisque les concurrents ont depuis obtenu en CDOA l’autorisation d’exploiter les autres terres près de la bergerie, forts d’un montage sociétaire se garantissant la priorité à l’installation… » Et de conclure : « Nous demandons à l’Administration un soutien sans faille aux porteurs de projets et petites structures pour faciliter l’accès au foncier dont découlent le droit au travail et le droit au revenu. Partager le foncier, c’est garantir l’installation et préserver le tissu rural. »

Toma Dagorn

« Une faille du SDREA »

Sorya et Odile Sébille travaillent 20 ha, moins que le seuil de contrôle de 35 ha défini par le Schéma directeur régional des structures (SDREA). « Ainsi, le SDREA dispense Sorya d’une demande d’autorisation d’exploiter, son bail enregistré au service de la publicité foncière suffit. Mais paradoxalement, cette absence de document officiel la rend plus vulnérable vis-à-vis des propriétaires et concurrents. C’est une faille du Schéma régional », explique Cécile Thomas. « Il faut revoir ce point du SDREA pour que les petits exploitants soient légitimes et titulaires d’une autorisation d’exploiter et par ailleurs disqualifier les projets de concentration foncière excessive. »


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