La vaccination contre la grippe : un levier face aux risques zoonotiques

La vaccination antigrippale des personnes en contact avec les porcs ou les volailles est un enjeu de santé humaine pour éviter des réassortiments avec des virus influenza porcins ou aviaires qui pourraient provoquer l’émergence de nouveaux virus.

Dessin humoristique sur les vaccins antigrippaux pour les humains en contact avec les porcs et les volailles - Illustration La vaccination contre la grippe : un levier face aux risques zoonotiques

« La grippe zoonotique est un enjeu de santé humaine qui doit se gérer selon une approche globale “une seule santé“ », déclare la Dr Christine Fébreau, adjointe de direction veille et sécurité sanitaire de l’ARS Bretagne. Lors d’une conférence de presse organisée par l’OS Porc Bretagne le 18 octobre à Rennes (35), elle a rappelé ce qu’est une grippe zoonotique. « L’influenza zoonotique est provoquée par des virus porcins ou aviaires. La grippe saisonnière est transmise par des virus humains. La grippe devient zoonotique lorsque cela passe la barrière de l’espèce soit de l’animal vers l’homme ou inversement c’est ce que l’on nomme le réassortiment des virus. »

Un comité grippe zoonotique régional en Bretagne

Une surveillance internationale est en place et tous les cas de grippe zoonotique détectés doivent être notifiés à l’OMS selon le règlement sanitaire international de 2005. « Derrière cela, il y a de gros enjeux économiques et sanitaires. Les virus Influenza aviaires hautement pathogènes circule activement. Les virus influenza porcins circulent en continu à bas bruit. À ce jour, en France, un seul cas de grippe zoonotique d’origine porcine a été notifié en 2021 et c’était en Bretagne. Dans le contexte actuel, les organisations internationales recommandent aux états membres de renforcer leur surveillance de l’influenza à l’interface animal/humain », précise Christine Fébreau. Dans le cadre de la surveillance selon l’approche « une seule santé », en mai dernier, il a été mis en place un comité grippe zoonotique régional en Bretagne. Le Covars (Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires) a délivré des recommandations afin de renforcer la surveillance des événements de transmission et de recombinaison des virus Influenza. « La surveillance dite passive est enclenchée pour toute suspicion de grippe humaine due à un virus influenza aviaire ou porcin. La surveillance active grippe aviaire vise à identifier des professionnels exposés à un foyer de grippe aviaire pour suivre leur état de santé. La Bretagne est le lieu choisi pour lancer une surveillance pilote s’adressant aux professionnels exposés à un foyer de grippe porcine. Il est important de proposer une prise en charge adaptée pour réduire le risque de transmission afin de protéger la population. » L’objectif est aussi de renforcer la stratégie de vaccination contre la grippe saisonnière des personnes au contact des animaux d’élevage pouvant être contaminés par des virus zoonotiques.

14 % des éleveurs vaccinés

Le Dr Bertrand Gagnière médecin référent sur la vaccination humaine à Santé Publique France a rappelé le triple objectif de la vaccination saisonnière : « protéger les personnes vaccinées contre la grippe saisonnière, diminuer le risque d’infection du cheptel par un virus humain, éviter les réassortiments virus humains – virus zoonotiques. Il faut bien expliquer les choses pour que les éleveurs deviennent acteurs et prennent conscience de leur rôle dans cet écosystème naturel. Ils sont les premiers à pouvoir mettre des barrières pour protéger la population. » Une enquête a été réalisée sur la saison 2023-2024 pour estimer la couverture vaccinale antigrippale auprès de 738 éleveurs de porcs bretons et 126 salariés d’élevage. L’enquête révèle une couverture vaccinale de 14,1 % alors qu’elle était de 17,5 % l’année précédente. 36 % des personnes vaccinées disent l’avoir fait pour des raisons professionnelles. 14 % des non vaccinés auraient souhaité le faire mais n’en ont pas eu l’opportunité. « Ce chiffre nous prouve qu’avec un peu d’efforts nous pouvons aisément doubler le nombre de vaccinés. 70 % des enquêtés disent connaître les enjeux sur : la transmission humain/porc, la transmission porc/humain, les réassortiments viraux à potentiel pandémiques et les mesures de prévention. Nous avons 37 % des personnes qui craignent les effets indésirables suite à la vaccination antigrippale », indique le Dr Pascal Crépey, professeur à l’école des hautes études en santé publique. Seulement 31 % des personnes déclarent avoir reçu le bon de la MSA pour obtenir gratuitement le vaccin. Et le Dr Nicolas Duriez, médecin coordonnateur régional MSA Bretagne de répondre : « nous avons notre manière de cibler les éleveurs ayant droit au bon de vaccination. Dès cette année nous avons multiplié par 3 la cible pour avoir un maximum de candidats à la vaccination. » Le point positif est qu’il y a peu d’opposition figée parmi les éleveurs concernant la vaccination. Il existe aussi de nombreux leviers pour améliorer la couverture vaccinale : « ça passe par un accès facile en pharmacie pour obtenir le vaccin et se faire vacciner au même endroit. On peut compter sur la MSA pour assurer une meilleure communication sur la vaccination. Le réseau organisé de professionnels (OP, vétérinaires) de proximité sont des vecteurs d’information comme dans l’amélioration du niveau de connaissance sur la grippe », conclut le Dr Pascal Crépey.

Nicolas Goualan

Éviter la propagation de nouveaux virus

David Riou, président de l’OS Porc Bretagne
On doit se faire vacciner tout d’abord pour protéger les hommes, limiter le risque de contamination de son cheptel et éviter tout réassortiment. En tant qu’éleveur on a aussi ce rôle de se vacciner pour protéger nos animaux et éviter qu’ils ne propagent dans la nature de nouveaux virus. On doit réussir à ramener dans nos discussions entre éleveurs le dossier de la grippe. Certains y sont sensibles mais d’autres, comme moi, il n’y a pas encore si longtemps, sont insensibles au sujet de la grippe car je n’avais pas pris conscience de tous ces enjeux. On a besoin d’en parler dans nos réunions d’éleveurs, dans nos formations afin de sensibiliser à la vaccination pour que l’on joue pleinement notre rôle dans cet écosystème.


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