Une étude qui invite les éleveurs à ne plus subir la ‘‘mal-traite’’

Station expérimentale de Trévarez (29) - Comment améliorer ses conditions de travail pendant la traite et faire en sorte que la fatigue quotidienne ne se transforme pas en usure ? C’est à cette question que l’étude ErgoTraite menée par la Chambre régionale d’agriculture tente d’apporter des réponses aussi bien techniques que pragmatiques.

Un homme dans une salle de traite - Illustration Une étude qui invite les éleveurs à ne plus subir la ‘‘mal-traite’’
La répétition de gestes pénibles entraîne selon la taille, la force et l’âge de la personne, une fatigue qui peut se muer en usure tant physique que morale. Pour préserver son capital santé, il est primordial d’adapter ses conditions de travail et de veiller, si possible, à alterner sur ce type de poste.

« Tant qu’on n’est pas confronté à des douleurs, on s’intéresse peu à la pénibilité de son travail. Mais que l’on soit chef d’exploitation ou salarié, si l’on veut gérer son outil dans la durée, on se doit de prendre en compte cette donnée ». Sage recommandation formulée par Sébastien Guiocheau, chargé d’études bâtiment bovin auprès de la Chambre régionale d’agriculture. Depuis trois ans, il mène avec plusieurs partenaires dont l’Institut de l’Élevage (Idele), EmageIn3D et la MSA, une étude baptisée ErgoTraite(1) dédiée à l’amélioration des conditions de travail d’une tâche que l’on sait responsable de nombreuses fatigues et douleurs articulaires.

Certains gestes sont répétés des centaines de fois dans la semaine

« Nous avons d’abord interrogé les éleveurs sur leur perception de la traite. Majoritairement, ils aiment ce rendez-vous car il y a contact avec les animaux et qu’on y voit le résultat de ses efforts. Ensuite nous avons établi un diagnostic complet sur l’environnement et les conditions d’exercice en calculant l’évolution de la hauteur et de la profondeur d’intervention sur un pis. Des chiffres obtenus par la mesure sur 730 vaches normandes et Prim’Holstein traduisant l’augmentation de la hauteur moyenne du plancher mammaire. On a également utilisé de l’imagerie 3D grâce à une combinaison équipée de capteurs qui suivent avec précision les mouvements de la personne pour évaluer ses risques de développer une pathologie (TMS). Enfin, on a associé ces mesures biomécaniques à une observation plus classique réalisée par une ergonome qui a analysé l’ensemble des actions de la traite : du regroupement des animaux sur l’aire d’attente jusqu’au lavage final ».

Pompe et réseau suspendu

Il va de soi qu’à Trévarez, on ne s’est pas privé de tester tous les dispositifs, mis en lumière par cette étude, qui permettent de s’adapter aux risques de fatigue ou d’accident. À chaque contrainte sa solution. Comment limiter la répétitivité et la pénibilité des gestes ? « Pour ne pas porter les pots de lait jusqu’à notre nurserie, une pompe reliée à un tuyau permet un transfert sans manutention vers le taxi-lait. Plus simple : pour ne plus se baisser afin de récupérer les lavettes propres, la machine à laver a été surélevée… ».

Que faire pour éviter de chuter en se prenant le pied dans un tuyau ? « Nous avons installé un réseau d’eau suspendu pour le lavage. Quelques descentes nous permettent d’avoir un sol totalement libéré. Le nettoyage des griffes et du sol peut se faire sans avoir à se baisser pour saisir le tuyau. Le poids à porter est réduit et c’est mieux question hygiène. »

Un homme dans une salle de traite
Dans la salle de traite de la station expérimentale, Sébastien Guiocheau nettoie une griffe sans risquer de se prendre les pieds dans un tuyau grâce 
à l’installation d’un réseau suspendu équipé de descentes.

Réflexion accompagnée

Au final, le mot d’ordre résultant de cette étude est simple : que l’on réfléchisse à la création d’une salle de traite ou à sa rénovation, il est plus que recommandé de se faire accompagner. Sur ce point, les techniciens bâtiment des structures ou les préventeurs de la MSA peuvent apporter de précieux conseils pour définir des installations ergonomiques et une bonne coordination entre maçonnerie et équipements. La hauteur de branchement est excessive ? On peut réduire la hauteur de quai avec des tapis de caoutchouc. Certaines vaches rechignent en fin de lot à venir à la traite ? Un chien électrique ou une barrière poussante apporteront de la sérénité et un gain de temps appréciable… « Dans l’absolu, conclut Sébastien Guiocheau, même ceux qui ont fait le choix de la robotisation ont aussi des questions à se poser, ne serait-ce que sur l’aménagement de l’espace et les conditions de travail autour de la machine. »

Pierre-Yves Jouyaux

(1) Étude Casdar financée par le Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire

Nouvelle vitrine à l’horizon 2027

Dans le sillage d’Ergo-Traite, la construction à venir d’une nouvelle salle de traite à Trévarez arrive à point nommé : « C’est pour nous l’opportunité d’aller plus loin dans la mise en pratique des résultats obtenus, se réjouit Sébastien Guiocheau. Elle sera une vitrine idéale pour sensibiliser les éleveurs à l’importance de concevoir un outil capable de préserver leur santé à long terme. Elle devrait être équipée d’un plancher mobile permettant d’adapter la hauteur du quai et sera pensée pour travailler dans les meilleures postures, mais aussi pour améliorer le circuit de transfert du lait vers la nurserie, faciliter le tri des vaches, le lavage… Un outil qui invitera encore plus à une approche globale prenant en compte le bâtiment et l’équipement technique, mais aussi d’autres éléments qui jouent sur le cadre de travail : luminosité, bruit, température… Tout a son importance. Certains gestes étant répétés des centaines de fois la même semaine : une simple amélioration dans la manière de les exécuter peut avoir de réelles répercussions physiques et morales. Si tout va bien, l’outil devrait être opérationnel courant 2027 ».


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