La perle des abers

C’est l’une des productions emblématiques de notre région. L’ostréiculture bretonne représente à elle seule le tiers de la production hexagonale. Cap sur le Finistère-Nord à la découverte d’une entreprise familiale.

Un couple devant la banderole de vente directe des huîtres Le-Cha - Illustration La perle des abers
Fanny Guého et Glenn Charreteur développent la partie vente au détail de l’entreprise en complément de l’activité de demi-élevage où les huîtres Le-Cha bénéficient d’une solide réputation.

« Tu es sûr ? » Telle est la question que Pascal Charreteur a posé à son fils Glenn lorsque ce dernier lui a annoncé, à 17 ans, qu’il avait l’intention de reprendre l’exploitation ostréicole familiale. « Sur le coup, j’ai pensé que mon père ne m’en croyait pas capable, se souvient le jeune homme. Et avec le recul, j’ai compris qu’il me demandait en réalité si j’étais bien certain de vouloir de cette vie, avec tous ses aléas et ses incertitudes ».

Créée en 1997 à Lilia-Plouguerneau, au cœur du pays des Abers, l’entreprise Le-Cha s’est développée au fil des années. « Le cycle de production d’une huître creuse s’étale sur trois années, explique Glenn. Celui qui est spécialisé dans le demi-élevage s’occupe des 18 premiers mois puis commercialise sa production d’huîtres auprès d’un autre ostréiculteur qui va continuer à les élever jusqu’à ce qu’elles atteignent leur taille commerciale ». Une première phase de la vie de l’huître très importante et qui conditionne pour partie son futur.

Les gens ne viennent pas juste déguster des huîtres, ils veulent voyager

« Dans les Abers, nous avons la chance d’avoir des eaux froides par rapport à d’autres endroits de Bretagne. La pousse des huîtres y est bridée naturellement. Cela donne un coquillage plus robuste. Et grâce à notre savoir-faire, à notre manière de le travailler, nous le rendons encore plus fort ». Les huîtres Le-Cha bénéficient ainsi d’une solide réputation sur le littoral français. Et même au-delà. « Nous exportons en Italie et en Irlande ! »

Huître des quatre saisons

Comme son père avant lui, l’ostréiculteur finistérien a fait le choix d’élever des huîtres triploïdes. « Cette ‘huître des quatre saisons’ est un hybride stérile comme il en existe pour le maïs ou la banane. Elle ne consacre pas d’énergie à la reproduction, pousse donc plus vite et n’est jamais laiteuse ». Oubliée la fameuse maxime du ‘Pas d’huîtres les mois sans R’, les gourmets peuvent aujourd’hui se régaler tout au long de l’année.

Des parcs à huîtres avec des gens au travail
Les 12 hectares de parcs sont situés dans l’Aber-Wrac’h.

Installée à l’Aber-Wrac’h depuis 2011, dans une ancienne usine de transformation d’algues, l’entreprise a su évoluer et se diversifier. Des travaux d’aménagement ont notamment permis de créer des bassins de purification. Et en 2017, l’année où Glenn a rejoint l’entreprise familiale, l’agrément sanitaire définitif permettant la vente au détail a été obtenu. « La vente à la boutique est un créneau complémentaire intéressant que nous avons développé. Cela permet de lisser un peu l’activité et la trésorerie par rapport au demi-élevage où l’essentiel est concentré de janvier à mars ».

Raconter une histoire

Toujours à l’affût de nouveautés, l’entreprise Le-Cha s’est dotée, il y a 6 ans, du premier distributeur automatique d’huîtres du Finistère. Bien visible, cet équipement installé à proximité d’un rond-point proche d’une zone de parking permet d’écouler, à lui seul, entre 4 et 5 tonnes de coquillages, soit de 4 000 à 5 000 douzaines chaque année ! Depuis deux ans, avec l’aide de Fanny Guého, en charge du développement de la vente au détail au sein de l’entreprise, Glenn exploite également, de mai à septembre, le bar à huîtres créé par son père dans un ancien restaurant jouxtant le chantier. « C’est la meilleure façon de valoriser notre production. Les gens ne viennent pas juste déguster des huîtres, ils veulent voyager. Ici, nous leur racontons une histoire ».

Une huitre « spéciale » ouverte
L’huitre « spéciale » se distingue de la « fine » par son taux de chair plus important.

En cumulant les différents débouchés, la vente au détail représente désormais un tiers du chiffre d’affaires annuel, contre deux tiers pour le demi-élevage. Une tendance qui pourrait encore s’accentuer à l’avenir. Pas question de mettre tous ses coquillages dans le même panier !

Résolument tournée vers l’avenir, l’entreprise s’est équipée de panneaux photovoltaïques qui entreront en production dans les prochaines semaines. Glenn et Fanny, tous deux férus de développement circulaire, se sont également penchés sur la question du recyclage des coquilles d’huîtres. Un test est en cours chez un agriculteur des environs pour les utiliser comme amendement calcaire, en remplacement du maerl. Quant aux anciennes poches ostréicoles, elles sont aujourd’hui employées pour protéger de jeunes pousses d’arbres dans le cadre du programme Breizh Bocage. « Nous essayons d’anticiper un maximum de sujets afin de ne pas avoir à subir la législation. Quand vous travaillez sur le vivant et que vous dépendez de la nature, cela fait déjà suffisamment de paramètres que vous ne contrôlez pas… » Simple bon sens de « paysans de la mer ».

Jean-Yves Nicolas

En chiffres : 12 hectares de parcs dans l’Aber Wrac’h ; Un cheptel de 15 à 20 millions d’huîtres ; Entre 150 et 200 tonnes annuelles produites pour le demi-élevage ; Une trentaine de tonnes vendues par an au détail ; 8 équivalents temps plein.

En savoir plus : www.huitreslecha.fr

Volonté d’entre- prendre et goût pour l’innovation

Opinion – Maëlle Vanzée-Le Bris – responsable de clientèle agricole, Pôle d’expertise CMB de Plabennec

Glenn et Fanny sont jeunes, motivés et dynamiques. Ils savent se démarquer de la concurrence et conjuguent leur volonté d’entreprendre avec un goût pour l’innovation, notamment dans le domaine du développement durable. Ils ont beaucoup d’idées et sont très complémentaires. Quand l’un est en mer à travailler sur les parcs, l’autre, à terre, accueille le public, fait déguster les huîtres, participe à des marchés, démarche de nouveaux clients…


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