Porteurs de projet en Bretagne : « Créer notre projet à nous »

Déterminés et passionnés, Ophélie et Florian Dardare, enfants d’agriculteurs, se sont installés hors cadre familial.

Un couple déleveurs avec ses vaches à l'étable.  - Illustration Porteurs de projet en Bretagne : « Créer notre projet à nous »
Florian et Ophélie Dardare dans leur stabulation. | © Toma Dagorn - journal Paysan Breton

Ophélie et Florian Dardare, 27 ans, se sont installés au 1er janvier 2024 à Bulat-Pestivien (22). La jeune femme est originaire de Louargat, 20 km plus au nord. Lui de la Meuse, 700 km à l’est. Ils se sont rencontrés en 2018 sur une ferme de l’autre côté de l’Atlantique, au Canada, où leur passion commune, l’élevage, les a menés. « Chacun de notre côté, nous avons travaillé un an comme salariés sur des structures laitières. » Des voyages pour découvrir, s’aguerrir et s’ouvrir des horizons. Au Québec, Ophélie a apprécié « l’ouverture et la convivialité » des gens. En Ontario, Florian a été marqué par « l’approche de la sélection génétique et la maîtrise technique sur les coûts alimentaires et la reproduction » des éleveurs canadiens.

La liberté de s’installer hors cadre

Ophélie et Florian sont enfants d’éleveurs. Pourtant il n’a jamais été question d’emprunter la voie la plus simple vers l’installation en revenant à la maison. « En fait, nous n’avons jamais pris en compte l’avis de nos familles. Nous voulions créer notre projet à nous, valoriser nos parcours à notre manière », martèlent-ils à l’envi. Les chiens ne font pas des chats. Leurs parents respectifs, déjà, s’étaient lancés hors cadre familial.

En Bretagne, de l’or vert dans les prairies

Auparavant, les jeunes éleveurs avaient suivi leurs routes d’étudiant. Issue d’un élevage mixte porc et viande bovine, Ophélie s’est intéressée plus particulièrement à la production porcine au fil de son parcours : Bac pro CGEA à Kernilien, CS porc et BTS Acse à Pommerit. Florian a grandi dans une exploitation « plutôt intensive » associant cheptels laitier et allaitant et surfaces en céréales, avant de décrocher un Bac STAV puis un BTS Acse.

Florian pose son baluchon en Bretagne

Au retour du Canada, le jeune homme a quitté son Est natal pour rejoindre Ophélie en Bretagne. « C’était assez naturel. Dans nos têtes, nous imaginions un système basé sur l’herbe. » En arrivant dans sa région d’adoption, il a travaillé trois ans comme salarié d’élevage pour le Sdaec et sur des fermes de Plougras, Quintin et Bourbriac. « Du système le plus extensif possible au plus intensif, tout m’a plu », confie-t-il. « Dans la Meuse, la question de l’herbe est un problème : on y fait une réelle coupe au printemps ; ensuite c’est trop sec pour la valoriser à nouveau. Ici, en Bretagne, toute l’année, il y a de l’or vert dans les prairies. La pousse est phénoménale. »

À Bulat-Pestivien, le couple a repris une ferme comptant 115 ha de SAU « déjà clôturés et distribués en eau » dont 70 ha accessibles sans traverser de route « prêts à pâturer ». La prairie la plus éloignée se trouve à 1,5 km du siège.

Ophélie et Florian ont repéré cette exploitation dans le RDI et s’y sont rendus pour la première fois en juin 2022. « Nous étions les 27e à visiter ! » Comme les cédants voulaient vendre un maximum de foncier, la plupart des candidats n’avaient pas les moyens de se positionner. « La ferme tournait. L’outil de travail avait été entretenu. La cour était goudronnée. Nous sentions que nous aurions plaisir à y travailler. Aujourd’hui, les porteurs de projet doivent faire vraiment attention à ce qu’ils reprennent puisqu’ils ont le choix sur le marché. » Surtout, cette opportunité répondait à leur plus grosse attente : une maison d’habitation à reprendre sur place, « ce n’est finalement pas si courant dans les offres de reprise ».

45 000 € de prêt d’honneur Brit

Pour « appâter » les financeurs, les jeunes ont mis en avant leurs parcours professionnels et la connaissance des chiffres de leur projet. « Concernant les banques, il faut faire jouer la concurrence. Les premières propositions tournaient autour de 4 % À l’arrivée, nous avons signé à 1,5 % », sourit Florian Dardare. Le couple a aussi bénéficié du dispositif Brit agricole, prêt d’honneur à taux zéro porté par la Région Bretagne en faveur de l’installation. « Il s’agit de présenter son dossier devant des représentants de la Chambre d’agriculture, des centres de gestion, des banques, des assurances… Après notre passage en commission en septembre 2023 à Saint-Brieuc, tout le monde voulait travailler avec nous et nous avons ainsi obtenu des rabais. » Pour eux, le Brit représente 45 000 € à rembourser sur cinq ans (avec un an de différé). Une somme à l’effet levier en plus de l’apport personnel dans le plan de financement vis-à-vis des banquiers.

Au total, le coût de l’installation approche le million d’euros. Dont 100 000 € pour la maison et 315 000 € (hors frais de notaire) pour 70 ha de foncier. « Comme nous ne sommes pas fous de matériel, nous avons surtout mis notre argent dans la terre et la reprise de 45 vaches laitières », précisent Ophélie et Florian Dardare. Aujourd’hui, le troupeau compte 70 productrices dans l’objectif de livrer 540 000 L par campagne laitière. Avec 11 mois de recul, le couple ne regrette « rien ». Bien au contraire. « Financièrement, c’est mieux que prévu. Nous n’aurions jamais imaginé acheter un tracteur presque neuf avant la fin de notre première année. »

Nouvelle Cuma

Pour terminer, Florian Dardare tient à souligner la dynamique agricole « incroyable » qui existe encore en Bretagne, comparé à la Meuse par exemple. « En un an, nous avons créé localement une Cuma qui rassemble 11 exploitations et une section cantonale des Jeunes Agriculteurs. Ces rapprochements sont nés des manifestations syndicales du début de l’année. Ces mobilisations sont aussi des moments de rencontre ou de retrouvailles privilégiés », terminent les deux associés, épanouis du Gaec Au fil des Prés.

Toma Dagorn

Un projet équilibré

Laurence André – Juriste d’entreprise à CerFrance Côtes d’Armor

Les repreneurs sont parfois dans l’irrationnel et prêts à faire beaucoup de concessions pour s’installer. Au contraire, Ophélie et Florian Dardare portaient un projet raisonné sur les plans technique et financier. Un projet de couple équilibré où chacun a sa place grâce à leur complémentarité. Ils avaient de l’apport personnel pour mettre en confiance les banques. L’accompagnement a consisté à faciliter les négociations et la transaction finale avec les cédants et le notaire. Si la partie immobilière est bien encadrée par le compromis de vente, dans une reprise, il faut faire bien attention à la valorisation de la partie mobilière. Cela passe par une liste détaillée avec les valorisations précises des biens concernés : cheptel, matériel, stocks…


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