10 formes de pâtes fabriquées : Paysan pastier pour nourrir le pays

Dans « une approche sensible des blés », Pierre-Yves Le Panse cultive pour fabriquer des pâtes dans un Centre-Bretagne cher à ses yeux.

Un paysan pastier devant deux machines anciennes en bois permettant de travailler le grain.  - Illustration 10 formes de pâtes fabriquées : Paysan pastier  pour nourrir le pays
D’anciennes machines achetées d’occasion et rénovées pour travailler le grain. | © Toma Dagorn - journal Paysan Breton

En début de carrière, Pierre-Yves Le Panse a travaillé 15 ans dans la logistique. Basé successivement dans différentes villes bretonnes et d’ailleurs, il gérait une flotte de camions et des équipes. Mais au fil du temps l’envie de revenir au bercail devenait de plus en plus prégnante. « Le week-end, comme des étudiants, mon épouse et moi revenions sans cesse dans notre Centre-Bretagne natal. Nous avions envie de faire vivre le pays à travers notre activité », sourit le Breton originaire de Laniscat (22). Pour le chanteur de kan ha diskan à ses heures, s’installer au Kreiz Breizh – encore plus comme paysan – était un projet « économique, social, culturel et familial ».

Un projet social, économique et culturel

Faire un produit du quotidien

De 2015 à 2020, Pierre-Yves Le Panse a vécu une première expérience collective enrichissante en élevage. Avant de changer de cap pour se lancer à son compte. « Je voulais rester paysan et j’avais l’opportunité de reprendre 40 ha sur Rostrenen dont 36 ha cultivables. J’ai rapidement abandonné les pistes de l’élevage et du maraîchage contraignantes quand on travaille seul. » Il a d’abord pensé à la production d’huiles en valorisant des cultures de lin, colza, chanvre… « Mais j’avais envie de faire un produit du quotidien qui se conserve. L’idée de la pâte sèche a alors émergé. »

UN paysan pastier présente ses sachets de pâtes
Pierre-Yves Le Panse propose 
une gamme de 10 formes de pâtes.

Pour ouvrir ce nouveau chapitre, le Costarmoricain a suivi en 2020-2021 la session Paysan créatif de la Coopérative d’installation en agriculture paysanne (Ciap 22). « C’est un parcours idéal pour découvrir les spécificités d’un nouveau métier, acquérir les savoir-faire, développer son réseau et s’ouvrir des portes pour recevoir les bons conseils ou dégoter du matériel. Une journée par mois est passée en salle. Tout le reste se déroule sur le terrain en stage et à préparer son projet. » Dans ce cadre-là, il a passé du temps sur la ferme de Clément Le Coq, paysan pastier à Nort-sur-Erdre (44) « pour apprendre la fabrication » et chez Léa Pradier et Morvan Le Coz, paysans boulangers à Lanrivain (22) « pour approfondir la connaissance de la production de blés anciens et du travail de meunerie ». Il s’est aussi rapproché de Triptolème, association spécialisée dans la conservation et la valorisation des semences paysannes.

Le patrimoine des variétés paysannes

En septembre 2021, Pierre-Yves Le Panse s’est officiellement installé pour la deuxième fois. En plus du foncier, il loue à Glomel (22) le tiers d’un ancien poulailler de 1 000 m2 qu’il a aménagé. Son atelier compte des cellules de stockage de grains et une collection de matériels spécifiques : machines de tri, nettoyeur – séparateur, trieur alvéolaire, décortiqueuse, épierreur et brosse à blé (ou épointeuse). Sans oublier un espace meunerie équipé d’un moulin astrié de l’atelier Païs (Laurenan) pour produire les farines et un laboratoire pour fabriquer et sécher les pâtes. Après une période de travaux, la première fabrication a eu lieu en avril 2022 et les premières ventes le mois suivant.

Au total, Pierre-Yves Le Panse cultive 12 ha de céréales : 4 ha de blé poulard, 4 ha de blés tendres et 4 ha de petit épeautre. « Le blé poulard est un cousin du blé dur qui donne à la mouture une farine à grosse granulométrie et apporte du goût et de la couleur. Ce n’était pas gagné mais il s’est bien adapté aux terres du Centre-Bretagne. Il pousse régulièrement, développe des feuilles très larges et couvre bien les parcelles. » En blés anciens, ses rendements atteignent 20 à 30 q/ha (en bio), 15 q en petit épeautre. « Cela permet d’obtenir les 24 t de grains pour les 10 t de pâtes à commercialiser de mon prévisionnel. Les variétés paysannes sont l’essence même du projet. Elles représentent du patrimoine et un morceau de biodiversité. Comme du lait de Bretonne Pie Noir pour faire un bon beurre, l’idée est d’avoir un produit de base, brut, déjà porteur de qualité à transformer. »

Un emploi salarié créé

En élevage, Pierre-Yves Le Panse avait déjà éprouvé la vente directe et a pu s’appuyer sur ce réseau local. « Les premières ventes se sont rapidement faites dans les magasins, épiceries et Amap du coin, mais aussi sur le marché de Rostrenen, rendez-vous incontournable de la vie du territoire. » L’activité s’est développée progressivement, s’appuyant sur 50 points de vente réguliers. Aujourd’hui, la production est de l’ordre de 200 kg de pâtes par semaine. La petite entreprise commercialise ainsi 8 t de pâtes par an et 3 t de farine de petit épeautre. Le producteur vient de commencer la fabrication de farine de blé noir pour répondre à la demande, « une plante qui a aussi beaucoup d’intérêt agronomique dans la rotation ». L’emploi salarié créé le temps des travaux d’aménagement du bâtiment s’est finalement pérennisé suite au démarrage de la production et de la commercialisation.

Toma Dagorn

Contact : Toazennoù Bro Fisel, Pierre-Yves Le Panse : 06 51 77 06 84.

Petits noms bretons

« J’ai eu une certaine chance en trouvant tout de suite le bon mélange de farines. L’enjeu de pâtes fabriquées avec des blés paysans est qu’elles tiennent à la cuisson », raconte Pierre-Yves Le Panse. Une première recette (mélange de farines de blés poulard et anciens) sert à fabriquer neuf types de pâtes. Une deuxième recette à base de petit épeautre est utilisée pour la 10e sorte de pâtes. D’un point de vue réglementaire, il ne peut pas écrire « pâtes » sur ses sachets, un nom déposé pour les fabrications à base de blé dur. « Comme un pied de nez au monde industriel qui veut tout déposer, ma marque porte le nom breton Toazennoù Bro Fisel qui signifie Pâtes du pays Fisel », explique-t-il.

Les tagliatelles s’appellent Fiseloù (référence au ruban du chapeau du costume traditionnel), les conchiglioni se nomment Kregadigoù (coquillage), les vermicelles Soubennad (plat de soupe)… Côté tarif, le sac de 400 g de pâtes courtes est vendu 3,50 € (4 € pour les pâtes longues).


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