Avranches dans la Manche (50)
Ouvert en août 2006, le Scriptorial est situé à l’abri des remparts de la ville d’Avranches. Son objectif est de valoriser et faire découvrir l’exceptionnelle collection des manuscrits de l’ancienne abbaye du Mont-Saint-Michel. La muséographie du Scriptorial offre un parcours chronologique et thématique dont l’aboutissement est la découverte des manuscrits originaux présentés dans le cœur du bâtiment appelé ‘le Trésor’. « Les livres sont exposés en alternance, pour ne pas être abîmés. Après trois mois d’exposition, suivent trois ans de repos », explique Bérengère Jehan, directrice des musées et du patrimoine à Avranches.
Livres religieux mais aussi de droit, histoire, sciences…
La visite commence par l’histoire de la création d’un oratoire au début du VIIIe siècle sur le Mont-Saint-Michel qui fut ensuite un centre spirituel et un lieu de pèlerinage. « Le site attira des moines bénédictins en 966, qui en plus de prier, se consacrèrent à la copie de livres religieux mais aussi de philosophie, droit, littérature, histoire, sciences… », détaille Bérengère Jehan. L’abbaye du Mont-Saint-Michel fut un centre majeur de la culture durant le Moyen-Âge. Elle accueillit des pèlerins de toutes conditions, y compris plusieurs rois de France et d’Angleterre.
Au Mont jusqu’à la Révolution
Les manuscrits furent conservés dans l’abbaye jusqu’à la Révolution. « En 1792, ils furent confiés à la ville d’Avranches qui les mit à l’abri. La ville détient donc une des plus grosses collections de manuscrits provenant d’un même endroit : 200 volumes de 10 à 500 pages. 70 environ ont été réalisés par le scriptorium de l’abbaye : atelier de copie et d’enluminure. »
Les secrets de fabrication des manuscrits sont également présentés dans le musée. Cet art exigeait patience et dévouement. Les moines utilisaient des parchemins, essentiellement fabriqués à partir de peaux de mouton, mais aussi de chèvre et de veau. « Les jeunes animaux ou les veaux mort-nés donnent le parchemin le plus fin, appelé vélin. » C’est avec le parchemin, souple et résistant, que naît le codex dont on peut tourner les pages, remplaçant le livre sous forme de rouleaux.
Les scribes, armés de plume d’oie et de parchemin, se plongeaient dans un univers où chaque lettre comptait. « Un couteau leur permettait de caler le parchemin sur le pupitre, de tailler les plumes et de corriger les erreurs par grattage. Une corne de bovidé servait d’encrier », apprend-on au musée. Pour confectionner les pigments, poudres de couleur, des matériaux d’origine naturelle ou chimique étaient utilisés. « Par exemple, le lapis lazuli permettait d’obtenir la couleur bleue, ou le vermillon le rouge vif. Le vert provenait souvent de matériaux contenant du cuivre. »
Plusieurs mois voire plusieurs années pour un livre
Suivant le type d’écriture et le format du livre, un scribe expérimenté pouvait écrire une ou deux pages par jour et parfois plus. « S’il travaillait sans interruption, la transcription d’un livre ou d’une Bible pouvait nécessiter parfois plusieurs mois voire plusieurs années. » Dans le monde médiéval, des enluminures étaient ajoutées pour embellir et illustrer les livres manuscrits : lettrines de couleur, initiales ornées, dessins… « Des feuilles d’or étaient employées en enluminure pour mettre en lumière une partie du décor. »
La vie religieuse et les questions de la foi chrétienne prédominent dans les manuscrits du Mont-Saint-Michel, mais l’abbaye s’illustre également par son ouverture d’esprit. « Les moines y recopient les ouvrages qu’ils jugent essentiels, en les annotant parfois. Ils n’ont guère composé d’ouvrages personnels, sauf dans le genre historique, ceci étant sans doute lié à la présence des pèlerins qui les a incités à rendre compte de la fondation de leur sanctuaire. Ils s’intéressent aussi aux sciences de la nature, vraisemblablement du fait de leur situation géographique. » Tous ces écrits, riches témoins du passé, vont continuer à se transmettre de génération en génération.
Agnès Cussonneau
Inspiration médiévale dans le jardin
Juste à côté du musée, Hortus, un jardin d’inspiration médiévale a été implanté, faisant écho à la thématique du livre médiéval. Ce lieu fait penser au jardin clos que l’on observe dans les enluminures. D’un côté, on visite le jardin des simples, regroupant des plantes aromatiques, tinctoriales, médicinales et potagères. De l’autre, se trouve un verger composé d’arbres fruitiers.Adresse : Scriptorial, place d’Estouteville, 50300 Avranches.Tél : 02 33 79 57 00. Site internet : www.scriptorial.fr / Fermeture annuelle en janvier, réouverture samedi 1er février 2025.