Le cerveau humain a cette capacité fascinante à retenir certaines impressions, parfois au détriment de la réalité. Mais les données météorologiques, elles, ne mentent pas. Selon Sébastien Decaux, météorologue chez Météo Bretagne, l’année 2024 s’inscrit dans une tonalité « terne ». Cette perception s’explique par une combinaison de deux facteurs majeurs : des pluies régulières dans le sud-ouest breton et deux anticyclones persistants, l’un en février et l’autre en novembre, qui ont maintenu une chape de nuages bas et gris sur la région. Ces éléments, conjugués à des brouillards fréquents lors des courtes journées d’hiver, ont renforcé l’impression d’une grisaille omniprésente. Résultat : un déficit d’ensoleillement de 200 heures (-12 %), accentuant cette sensation de « temps maussade ».
Effet de foehn
Les précipitations de 2024 révèlent des disparités marquées selon les territoires. Le sud-ouest de la Bretagne a été particulièrement arrosé, sous l’effet des courants de sud-ouest qui ont déversé leur contenu au pied des reliefs. « Ce phénomène, connu sous le nom d’effet de foehn, vide les nuages avant qu’ils n’atteignent la côte nord », explique Sébastien Decaux. Cette dynamique génère une ombre pluviométrique autour de Saint-Brieuc, où les précipitations ont été plus limitées. Les Côtes-d’Armor et l’Ille-et-Vilaine affichent ainsi des niveaux de pluie proches des normales, oscillant entre -5 % et +3 %.
De 800 à 1 450 mm
Les 15 stations du réseau météo de Paysan Breton offrent une vision détaillée à l’échelle locale. En moyenne, l’Ouest breton a enregistré 1 138 mm de pluie en 2024, soit une valeur proche de la moyenne 2018-2023 (1 130 mm), mais inférieure à celle de 2023 (1 206 mm). Le record revient à Arzano (29), avec 1 450 mm sur l’année, tandis que les stations situées à l’est de la ligne Saint-Brieuc/Vannes ont mesuré 802 mm, légèrement au-dessus des 780 mm habituels. Le minimum est atteint à Guer (56), avec 731 mm.
L’agriculture sous pression
Les caprices de la météo n’ont pas épargné le monde agricole. Les pluies hivernales ont retardé les épandages d’engrais et de lisier, tandis que celles du printemps ont compromis les mises à l’herbe et décalé les semis de cultures de printemps comme le maïs dont les semis se sont étalés jusqu’en juin. L’été n’a guère été plus clément : les moissons ont été perturbées par des précipitations intermittentes. Les récoltes de maïs, puis les semis de céréales d’hiver ont également souffert d’un dernier épisode pluvieux en fin d’année.
Une conclusion qui pourrait sembler paradoxale : malgré une perception d’année très pluvieuse, 2024 reste globalement dans les moyennes climatiques. Une nouvelle preuve que nos impressions sont parfois trompeuses.
Didier Le Du
Un équilibre climatique chamboulé
Opinion : Sébastien Decaux – Météorologue
Côté températures, 2024 a été marquée par une douceur relative. Les moyennes ont dépassé les normales saisonnières de 0,5 à 0,6 °C. Cependant, la région a échappé aux extrêmes, avec une seule journée au-delà de 30 °C (le 11 août) et seulement dix jours de gel en janvier, où les températures ont parfois atteint -6 à -8 °C.
Depuis une quinzaine d’années, les intersaisons s’effacent progressivement au profit d’une alternance de phénomènes plus marqués : pluies abondantes, sécheresses ponctuelles et pics de chaleur. Si 2024 n’a pas été l’année des records, elle illustre cette tendance à une météo toujours plus imprévisible et contrastée.
D’est en ouest
- Rennes : 691 mm de pluie, soit 126 jours de précipitations (norme : 115).
- Brest : 1 437 mm, largement au-dessus de la norme de 1 237 mm, répartis sur 175 jours de pluie (norme : 159).
- Saint-Brieuc : 685 mm, en dessous de la moyenne de 757 mm, avec 123 jours de pluie (norme : 130).
- Lorient : 1 004 mm, légèrement au-dessus de la norme de 943 mm, avec 140 jours de pluie (norme : 130).
