Après un BTS Productions animales à La Touche à Ploërmel (56) et une licence pro Gestion des organisations agricoles à l’UCO à Guingamp, David Sidaner a voulu voir du pays. Il a travaillé sept mois sur une ferme de 600 vaches en Nouvelle-Zélande. « C’était intéressant de voir la gestion du pâturage dans une structure qui se résume à un foncier tout en herbe et une salle de traite. Dans un climat humide proche du nôtre, les vaches sont toujours dehors et les Néo-zélandais imbattables sur les coûts de production », a-t-il raconté au Forum installation-transmission de la Chambre d’agriculture.
Travailler sans ensilage
Ensuite, le Breton a travaillé six ans comme conseiller d’élevage au Contrôle laitier. Puis six ans comme responsable du troupeau à l’Inrae du Rheu (35) pour conduire 180 laitières et manager dix personnes. Peu à peu, le désir de s’installer l’a rattrapé. « J’avais vu beaucoup de systèmes conventionnels bretons maïs-soja. Moi, j’avais envie de travailler en système herbager, de voir les vaches dehors. Parmi mes motivations, il y avait la maîtrise des coûts mais aussi une notion d’empreinte environnementale avec des prairies stockant beaucoup de carbone… »
Installé à Rennes, David Sidaner a prospecté dès 2019 autour de lui. « C’est une zone plutôt séchante, pas le top pour mon projet. » Et cherchait en parallèle dans le Trégor à proximité des racines familiales. « Un soir, en rentrant du boulot, mon épouse m’a dit qu’elle m’avait trouvé la ferme idéale au RDI… » Elle n’avait pas tort. « 85 ha accessibles sur une SAU de 95 ha, une ferme en bio depuis 2000, un troupeau de croisées dans un système à l’herbe sans ensilage. Et cerise sur le gâteau, mon rêve, un séchoir en grange ! » Lors de visites, le Costarmoricain avait en effet flashé pour cette technique : « L’odeur et la valeur nutritionnelle du bon foin, la qualité du travail quand on opère toujours à l’abri sans silo, bâche ou plastique à gérer », détaille-t-il.
Des cédants très attentifs
En mai 2021, à sa première visite à Maël-Carhaix, quatre candidats sont sur l’affaire. « Les cédants avaient vraiment envie de transmettre. » Anciens comptables, ils avaient calculé le montant de la transaction en fonction du prix du lait bio. « Rapidement, ils m’ont choisi. » Mais il y avait une condition : pas de reprise avant septembre 2023, date optimale conjuguant fin d’annuités et droits à la retraite. « Deux ans à attendre, cela a été long. Mais un mal pour un bien. J’ai réfléchi aux scénarios bitraites ou monotraite, au passage de vêlages plutôt d’automne vers le printemps, à l’organisation en passant de 3 UTH à 2 aujourd’hui… Cela m’a laissé du temps pour voir les banques. »
Tout en patientant, David Sidaner, mis « en disponibilité » à l’Inrae, a effectué deux contrats de 6 mois comme salarié (congé maternité, arrêt maladie) chez ses cédants. Il trépignait tellement d’impatience que ces derniers lui ont finalement permis de se lancer au 1er juin 2023. « Comme le cours du lait bio s’était dégradé, ils m’ont même accordé une baisse de prix en guise de soutien. » Les trois premiers mois, le repreneur a trait deux fois par jour. « Ma femme et mes enfants n’y trouvaient pas leur compte. Mes journées étaient trop longues. » Le passage en monotraite a alors réduit l’astreinte et rendu tout le foncier accessible car les 65 vaches vont pâturer jusqu’à 1,5 km.
Toma Dagorn
À l’aise dans ses bottes et ses comptes
Fonctionnaire, Davis Sidaner n’a pas pu bénéficié des dispositifs financiers sécurisants (rupture conventionnelles, démission – reconversion, Are et Arce de France Travail…). « Mais neuf mois avant l’installation, j’ai bloqué mes offres de prêt alors que les taux montaient. Côté aides, j’ai reçu 6 000 € de Biolait, 2 000 € de la communauté de communes CCKB et 19 000 € de DJA. » S’il avait dû présenter un prévisionnel à 420 000 L (à 36 de TP et 42 de TB) collectés, il a rapidement redimensionné son projet en monotraite pour livrer 270 000 L d’un lait riche (36 et 46). « Il n’y a pas forcément besoin de faire du volume pour gagner sa vie. J’ai très peu de charges et grâce aux taux, mon lait est mieux payé que prévu. » En phase de lancement, il se prélève 1 500 € mensuels. « Je n’ai pas de prêt de trésorerie, je paie mes fournisseur et ma salariée sans difficulté. » Sa famille a déménagé à Maël-Carhaix « dès l’accord oral » en septembre 2021 et sa femme a trouvé un emploi à côté. Après un an et demi dans le costume de paysan, David Sidaner se sent « heureux ».