Fin décembre, Laëtitia Bouvier, présidente de la FRSEA Bretagne, Véronique Le Floc’h, présidente de la Coordination rurale et Julien Tallec de l’UDSEA Confédération paysanne sont venus répondre aux questions de Christophe Boucher, journaliste à Tébéo, et Didier Le Du, directeur de Paysan Breton. Si le débat s’adresse à leurs pairs, l’exercice consistait aussi à expliquer à tous les Bretons les enjeux de leur agriculture et de leur environnement.
Renouvellement des générations
Grand défi pour les prochaines années, celui de l’installation-transmission, face à 1 400-1 500 cédants qui partent en retraite chaque année, remplacés par 500 installations aidées. Alors comment attirer de nouveaux profils ? « Le service transmission, porté par les Chambres et ses partenaires, a été renforcé. Le travail est monté en puissance et on le poursuivra. Mais au préalable, nous devons obtenir une reconnaissance de nos métiers, par les actes d’achat des citoyens, des politiques, sans cela, notre secteur ne sera pas attractif », avertit Laëtitia Bouvier. « Nous devons aller sur le terrain pour prouver aux cédants que toutes les exploitations sont reprenables, parfois juste avec une restructuration parcellaire », soutient Julien Tallec. Et Véronique Le Floc’h d’insister : « Les jeunes nous rejoindrons si nous disposons de revenus suffisants ».
Quel est le montant d’un revenu décent ?
Effectivement, nerf de la guerre pour les agriculteurs, le revenu, est aussi au cœur des sujets de cette campagne. Quel est le montant minimal à atteindre ? Pour Julien Tallec de l’UDSEA Confédération paysanne, « le revenu décent permet de rembourser ses coûts de production et de se dégager au minimum 1 Smic ». Laetitia Bouvier, de la FRSEA, estime que « vu le nombre d’heures travaillées et de la prise de risque, il faut au minimum 2 Smic ». Même montant pour la Coordination Rurale, car Véronique Le Floc’h calcule « qu’il faut viser 60 000 € annuels, auxquels on retire les charges sociales. Il doit rester 2 Smic net ». Est-ce que la loi peut assurer un revenu correct aux producteurs ? « Ce sont les grands groupes multinationaux et les coopératives qui gardent l’argent qui devrait revenir aux agriculteurs », poursuit la représentante de la CR, qui ajoute que « croire qu’Égalim a apporté aux producteurs est faux. C’est une loi qui n’est pas fonctionnelle : les formules retenues pour calculer des coûts de production s’appuient sur des fermes références qui sont toutes amorties ». Laetitia Bouvier demande de son côté à ce qu’Égalim « soit appliquée. Il faut un cadre qui oblige à jouer le jeu, avec amende en cas de non-respect, dont l’argent serait reversé aux agriculteurs. Aussi et pour ramener du revenu, il y a une complémentarité entre production alimentaire et énergétique possible ». Julien Tallec propose quant à lui de « mieux répartir la Pac. 400 millions d’euros sont versés à la Bretagne, il faut que ces aides soient versées à l’actif, ce qui aiderait à changer de système, vers des fermes plus autonomes ».
Quel modèle d’élevage breton ?
Le modèle d’élevage breton doit-il évoluer ? Faut-il aller jusqu’à des fermes de 500 truies, 120 VL ? Pour la FRSEA/JA qui prône la diversité de production, il n’existe pas de modèle-type, « tant que les agriculteurs sont heureux dans leur outil de production, même s’ils sont en deçà de la moyenne française de 65 ha, et que le système est rentable. » La Confédération paysanne met en garde : « Avec des structures de plus en plus grandes, c’est l’ouverture à la financiarisation, et la fin de l’installation… » La Coordination rurale de son côté s’affirme « totalement opposée » à la prise de participation d’entreprises tiers dans le capital des exploitations.
Produire en Bretagne, demain
À la question de l’adaptation au changement climatique, Laetitia Bouvier pense que « les agriculteurs savent s’adapter, en développant de nouvelles cultures. Une partie de la solution se trouve dans la recherche ». Julien Tallec préfère « prévenir que guérir, en aidant à la transition dès aujourd’hui pour retarder ce changement climatique ». Véronique Le Floc’h en appelle à « se baser sur l’agronomie, notamment avec des sols toujours couverts, technique possible avec le semis direct et le non-labour ».
Autre sujet qui finalement n’en est pas un dans le débat, celui du Mercosur, où les 3 représentants partagent les mêmes opinions, « nous n’avons pas besoin d’importer de viande bovine », note Julien Tallec. « On continue de perdre 1 abattoir par mois en France, avec l’afflux de viande importée, cette tendance va s’accélérer », craint Véronique Le Floc’h.
La rédaction de Paysan Breton
En savoir plus : Le débat (1 heure) est diffusé sur Tébéo et Tébésud le vendredi 3 janvier à 18 h 30, le samedi 4 janvier à 8 h 45 et 12 h 30, le dimanche 5 janvier à 19 h 30. Et en accès libre sur leurs sites internet. Également visible sur TV Rennes.