La réglementation n’est pas forcément claire comme de l’eau de roche quand on aborde le sujet des fossés et des cours d’eau. Ces derniers sont déterminés par 3 critères majeurs que sont l’existence d’un lit naturel, alimenté par une source donc indépendant des eaux de pluie et ayant un débit suffisant une majeure partie de l’année. Il faut savoir que depuis 2015, il y a eu 6 mises à jour par an de cette définition par la Police de l’eau ou par l’Office français de la biodiversité. Des rectifications « pas forcément visibles », constate Vincent Le Talour, chargé d’études environnementales pour la Chambre d’agriculture. Le spécialiste de la nature intervenait à l’appel de Rés’Agri Centre à Plounévézel (29), sur le sujet de ces rivières et surtout des fossés, car tout n’est pas forcément tranché sur ces rigoles en bordure de champ. Sujet de crainte dans les campagnes, cette rencontre a eu pour objectif de « démystifier l’entretien des fossés », résume Jaap Zuurbier, président de Rés’Agri Centre.
« Il y a un flou dans la définition d’un fossé et d’un cours d’eau ». Pour exemple et quand on consulte la cartographie éditée par les services de l’État* pour connaître le chevelu hydrographique, un cours d’eau non répertorié sur la carte peut finalement en être un « s’il respecte les 3 critères de définition, c’est le terrain qui prend le pas ». L’entretien de ces rivières et ruisseaux « a pour objet de maintenir le cours d’eau dans son profil d’équilibre, de permettre un écoulement naturel », selon la DDTM. Modifier le lit, enlever les embâcles ou les atterrissements autres que manuellement peut créer une infraction, « qui dépasse rarement le simple rappel à l’ordre en cas de contrôle et qui demande la remise en état ». En cas de récidive, « les peines encourues peuvent être lourdes : jusqu’à 150 000 € d’amende et 3 ans d’emprisonnement. Dans tous les cas, avant d’utiliser des outils mécaniques, il faut prendre contact avec les services de l’État ».
« Je n’ai fait qu’entretenir »
Vincent Poupon a voulu bien faire en nettoyant un fossé sur une de ces parcelles situées sur la commune de Poullaouen (29). Après avoir entretenu un talus, « nous avons voulu nettoyer le fossé en retirant les feuilles avec une pelle mécanique. Ces fossés ont été creusés au moment du remembrement des années 70, cela faisait 20 ou 25 ans qu’ils n’avaient pas été entretenus ». Mais la parcelle se trouvant dans une zone humide, l’agriculteur a eu un contrôle suite à ce chantier, puis un procès-verbal d’infraction a été dressé. Il n’y a pas eu de convocation devant un tribunal, mais une obligation de remise en état a été demandée. Le contrôle a eu pour origine « une dénonciation. Pourtant, nous ne sommes pas descendus en dessous de la buse en béton. De plus, nous agissons au quotidien pour l’environnement, notre ferme est en bio depuis plus d’une vingtaine d’années ». Et l’éleveur de faire un parallèle avec les fortes inondations qui ont touché le nord de la France l’hiver dernier : « Ne pas entretenir ces fossés est lourd de conséquences, comme on a pu le voir avec des maisons inondées ». Pour Carole Gringoire, chargée d’animation territoire Poher et Kreiz Breizh pour la Chambre d’agriculture, « le creusement n’est ici pas significatif : après analyses et plusieurs mois après l’action, on ne repère pas de surcreusement par rapport au niveau de la buse en béton. Il faut toujours être vigilant en zone humide car entre les contrôles, les photos satellites ou les dénonciations, les conséquences peuvent être importantes, surtout en zone humide ou en cas de présence d’espèce protégée ». Facilement, sur internet, on peut retrouver la carte de ces zones humides**.
Les textes de loi interdisent le recalibrage d’un fossé. L’entretien doit se résumer à respecter « les vieux fonds et les vieux bords », en veillant également à ne pas nuire à des espèces animales comme certains escargots ou certaines libellules. La réglementation est très fine, « à quelques centimètres près il y a peu de différence entre curage et recalibrage », estime Vincent Le Talour.
Fanch Paranthoën
* Carte disponible à www.geoportail.gouv.fr, module Agriculture, carte Cours d’eau BCAE 2023.
** Carte disponible à www.sig.reseau-zones-humides.org
Consultez la carte une fois par an
Opinion -Anne Courtois – Chargée d’études politiques réglementaires et environnementales à la Chambre d’agriculture
La première question à se poser avant un entretien est de savoir s’il s’agit d’un cours d’eau ou d’un fossé. C’est important de le vérifier. J’invite les agriculteurs à le faire une fois par an sur le site Géoportail. En cas de désaccord des tracés, des demandes de modification sont possibles. S’il s’agit d’un cours d’eau, l’entretien courant, ne modifiant pas le lit ou les berges, ne requiert pas de déclaration ou d’autorisation. Il consiste en des actions légères de type nettoyage, élagage, faucardage localisé (taille de la végétation aquatique si elle gène l’écoulement). En cas de travaux plus complexes comme un curage, l’agriculteur doit demander l’accord à la DDTM de son département, cette réglementation étant la même pour les 4 départements bretons. Que ce soit pour les cours d’eau ou les fossés, un guide de l’Onema (maintenant OFB) vient préciser les entretiens et aménagements possibles.