Pour des raisons environnementales et climatiques, que pensez-vous de l’idée de désintensifier l’élevage breton pour le répartir sur l’ensemble du territoire national ?
Ne pas se priver du collectif
Avec ses conditions pédoclimatiques, la Bretagne est une terre d’élevage, l’organisation en filière fait notre force. Répartir l’ensemble des besoins d’élevage partout en France reviendrait à se priver du collectif qui permet de passer certaines crises. Aussi, c’est une économie indispensable pour la Bretagne. L’agriculture maintient la biodiversité, notamment avec les pratiques de pâturage, et protège son environnement, mais pas d’environnement sans argent. L’élevage breton devrait être considéré comme un label, signe de souveraineté alimentaire.
Sophie Jézéquel – FDSEA 29
Plus de rotations et moins de phytos
Si on avait de l’élevage et des cultures réparties uniformément sur le territoire, il y aurait des rotations herbe/cultures/maïs avec de la matière organique également bien répartie, et par la force moins de produits phyto. La fertilité des sols serait améliorée et nos côtes bretonnes seraient moins polluées, ainsi que l’eau que l’on boit et l’air que l’on respire. Tout a été fait pour intensifier la Bretagne avec des entreprises agroalimentaires et ses infrastructures, par exemple abattoirs, laiteries ou entreprises d’aliments. Maintenant, est-il possible de renverser la vapeur et de donner envie aux jeunes agriculteurs de faire de l’élevage avec ces contraintes dans des régions où l’élevage a disparu complètement ?
Yannick Joubrel – Coordination rurale 35
Il faut désintensifier et répartir
On a la responsabilité de faire évoluer les pratiques, car l’élevage industriel, responsable de la dégradation de la qualité de l’eau, engendre aussi des problèmes de qualité de l’air avec des pollutions par des pesticides et de l’ammoniac, dont l’origine est à 69 % d’élevages intensifs. Il faut désintensifier et répartir. Par élevage industriel, on pense volaille et porc, mais on est aussi en train d’industrialiser les bovins avec des animaux qui ne sortent plus. Nous prônons des systèmes herbagers qui limitent les GES. L’élevage paysan préserve l’autonomie financière, décisionnelle et technique.
Véronique Marchesseau – Confédération paysa
L’objectif de réduire de 50 % les phytos à horizon 2030 est-il atteignable ? Souhaitable ?
Ils ont dit :
Mickaël Romé – Confédération paysanne 35
Oui, la diminution de 50 % est souhaitable car 1/3 des cancers des paysans sont dus aux pesticides, 4 types de cancers sont reconnus avec un lien à ces produits par la MSA. Avec un effondrement de la biodiversité, la pollution des ressources (eau, sols) avec des coûts faramineux de dépollution, de potabilisation, il y a urgence à sortir des pesticides. Cet objectif est atteignable, à condition de ne pas faire reposer la transformation du système agricole sur la seule responsabilité individuelle des paysans, limités par la survie économique de leur ferme. Il faut que les politiques publiques fournissent un accompagnement financier conséquent et de long terme.
Edwige Kerboriou – FDSEA 22
Nous sommes en recherche de solutions qui doivent être faites dans le respect du revenu et du temps de travail. On arrive à une réduction de 20 à 25 % sans prendre trop de risques. Mais est-ce que toutes les solutions sont à trouver du côté des agriculteurs ? Il faut plutôt un pacte de société, car il n’y a actuellement pas de contreparties, notamment en laissant entrer des produits d’importation qui utilisent des solutions phytosanitaires interdites ici. Les agriculteurs sont formés, leurs appareils sont contrôlés, l’utilisation de la chimie est raisonnée. De 2016 à 2020, le recours à des substances actives a diminué de 16,5 %.
Rémy Cottin – Coordination rurale 22
Se fixer comme objectif de réduire les phytos est louable. Mais la question est de savoir comment atteindre cet objectif ambitieux de 50 % en 5 ans. Je pense que ce n’est pas possible car les produits supprimés ne sont pas remplacés par d’autres aussi efficaces. On peut d’ailleurs s’interroger sur le bienfondé de supprimer des produits qui ont fait leurs preuves et qui, dans des conditions de bon usage, ont-ils la toxicité qu’on leur attribue ?En élevage, cette réduction pose moins problème qu’en cultures de vente. En maïs nous avons entre autres le binage qui peut être une solution alternative mais encore faut-il que la météo le permette.