Dossier technique

Le robot glisse des silos à l’auge

Gaec Boscher Palaric, au Haut-Corlay (22) - Personne n’aimait monter sur le tracteur pour passer deux heures par jour à préparer des mélangeuses. Depuis novembre, un robot autonome prend en charge l’alimentation des veaux aux vaches laitières.

Un robot d'alimentation prélève de l'ensilage d'herbe dans un silo devant une étable.  - Illustration Le robot glisse des silos à l’auge
Vue sur l’automate désilant de l’herbe en autonomie et sur les murs larges des nouveaux silos. | © Toma Dagorn - journal Paysan Breton

« Il était temps de renouveler notre mélangeuse à pales de 12 m3 qui était vraiment usée. Le tracteur qui la faisait tourner était aussi en bout de course », explique Gaëtan Palaric, installé en Gaec lait – porc au Haut-Corlay (22). « Pour notre cheptel, il fallait partir sur une 24 m3. Comme nous travaillons par Cuma et ETA, il aurait fallu en plus investir dans un tracteur. En neuf, il faut compter 1 000 € / cv. Et même d’occasion, cela reste cher. » Les associés ont fait les calculs. Ils ont également testé une mélangeuse automotrice. « En plus du prix, nous avons trouvé la prise en main relativement compliquée. » Un engin « encombrant » pas simple à confier à un remplaçant ou un nouveau salarié, ont jugé les éleveurs. « À l’arrivée, le tarif pour un tracteur avec mélangeuse, une automotrice ou un robot d’alimentation était assez proche. Sauf qu’avec l’automatisation, nous n’avions plus de temps à passer au volant. Notre métier, c’est avant tout éleveur pas conducteur d’engins. »

L’astreinte du week-end est sensiblement allégée

Désilage en autonomie

Dès la création de la stabulation en 2019, l’automatisation trottait dans les têtes. « À l’époque, les solutions du marché ne me plaisaient pas vraiment. Nous préférions prendre un peu de recul sur les solutions qui se développaient. Et déjà en phase d’investissement, nous n’avions pas les finances », tranche Gaëtan Palaric. Pour autant, l’espace d’une potentielle cantine avait été prévu. En général, les robots d’alimentation des différents fabricants font le plein à cet endroit dédié qu’il faut alimenter régulièrement en fourrages. « Quand j’ai vu la vidéo du premier Aura dans l’Orne capable d’aller désiler en autonomie, j’ai trouvé ça révolutionnaire. J’ai adoré l’idée qu’il fasse à ma place ce que je n’aime pas faire, de ne pas avoir l’astreinte tous les jours ou tous les deux jours de démarrer un tracteur pour remplir des compartiments », reprend le Costarmoricain.

Sept mélanges différents

Pour ce projet, 300 000 € (dont 80 000 € de subvention du Plan de relance France 2030) ont été investis pour l’automate Kuhn et son installation et 200 000 € pour les infrastructures (silos d’ensilages, réserves d’aliment et vis, électricité…). Après cinq mois de travaux en autoconstruction (voir encadré), le robot a été mis en route début novembre. Il confectionne un mash pour les veaux, trois rations pour les génisses, deux pour les taries (début de période sèche et préparation au vêlage) et une pour les laitières. « À la mélangeuse, nous ne faisions que deux formules génisses. Demain, grâce au robot, nous en ferons peut-être cinq. Comme en porc, plus on séquence l’alimentation selon les phases de croissance et de reproduction, plus il y a de performance. » L’automate est conçu pour répondre facilement à cette gestion à la carte.

Le troupeau en production géré en un lot est en ration semi-complète complétée au Dac en fonction des performances et du stade de lactation. « Auparavant, nous préparions deux mélangeuses par jour pour une distribution matin et soir. C’était gourmand en temps de travail. » Aujourd’hui, le robot d’une capacité de 3 m3 (1,2 t de mélange) effectue six distributions entre 5 h et 21 h. « La nuit, nous laissons les animaux tranquilles. Cela évite aussi que nous soyons dérangés par une alerte SMS », sourit Gaëtan Palaric.

L’ingestion augmente

Avec 2,5 mois de recul, l’éleveur dresse un premier bilan. « Grâce au fractionnement de la distribution et la précision des mélanges, l’ingestion a progressé de 5 kg brut / VL / jour alors qu’actuellement, nous ne sommes pas sur d’excellents ensilages. » Le troupeau est plus silencieux même quand il n’y a plus beaucoup de ration à l’auge, note-t-il. « Comme pour la distribution de la soupe en porc, les vaches savent que le robot va bientôt passer. »

Les éleveurs, eux, ont gagné en confort. « Nous passions environ deux heures par jour à l’alimentation. Ni moi, ni ma salariée n’aimions cette corvée. Aujourd’hui, il faut moins de 30 minutes pour nettoyer les capteurs du robot et s’assurer que tout est bien propre sur son parcours pour qu’aucun obstacle ne le mette en défaut. » Un godet balayeur facilite ce nettoyage. Enfin, l’astreinte du week-end est sensiblement allégée : « Pour gérer à une seule personne, on se dépêchait pour tout. S’il y avait un quelconque problème, le risque était de distribuer la ration en retard. Désormais, peu importent les imprévus, côté alimentation, tout est fait plus précisément et à l’heure. »

Toma Dagorn

Rapport d’activité et alertes sur le smartphone

Le robot nourrit 310 animaux (dont 120 laitières) tous les jours. « Nous faisons le choix d’élever toutes les femelles », précise Gaëtan Palaric, passionné de belles vaches. Guidé par GPS et équipé de wifi, l’automate est évolutif. « Demain, nous pouvons facilement rajouter une case, un couloir voire un autre bâtiment à alimenter. » En déplacement, le Aura peut atteindre une vitesse de 7,5 km / h. Pour une question de sécurité, ses caméras scannent et analysent l’environnement en continu. En cas de problème (obstacle sur sa route, personne s’approchant, manque d’aliment dans un silo, capteurs non nettoyés…), il stoppe son activité et envoie un SMS. De même, quand sa réserve de gasoil passe sous les 12 %, il va à la cuve et attend le remplissage. « C’est une machine avec un mode d’emploi. Les arrêts ne sont pas trop contraignants car il travaille 7 à 8 heures dans une journée : réarmé, il a le temps de rattraper son programme si une alarme l’a immobilisé un moment », explique l’éleveur. « Demain, après la phase de rodage, nous le ferons tourner aussi quand nous ne sommes pas présents sur site. »

Cellules et silos autoconstruits

Fini les taupinières. Les associés ont construit de nouveaux silos pour les ensilages adaptés au robot. Un chantier impressionnant avec camion-grue et télescopique pour dresser sept murs créant six couloirs de 9 à 12 m de large, 42 m de long et 3 m de haut. « Devant le tarif des éléments en U préfabriqués du commerce », les éleveurs bricoleurs sont partis sur une conception maison « à un coût bien inférieur » en faisant couler des panneaux par Armor Préfa Béton à Saint-Mayeux (22). « Nous les avons montés sur la dalle existante contre des poteaux en agglomérés à bancher avant de les lier avec du béton. Ces U reconstitués ont été remplis de terre pour éviter que les panneaux ne se voilent avec la pression imposée par les fourrages tassés. » Les murs font 1,2 m de large créant un chemin de garde fonctionnel pour se déplacer, couvrir ou débâcher. « Avec des salariés, la notion de sécurité est incontournable. »Au niveau de la cuisine, les associés ont aussi créé quatre cellules d’aliment faciles à remplir à la vis du camion ou au godet. Ces fosses polyvalentes sont constituées d’un cône en béton surmonté de murs de parpaings. Chacune peut stocker autour de 12 t. « De quoi commander des camions complets de 33 à 35 t – plus économiques – contenant correcteur azoté, concentré de production, aliments taries et génisses. »


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