Quel est le point commun entre le saucisson, la choucroute, les yaourts et le pain au levain ? Outre leur place relativement fréquente dans nos assiettes, ces aliments sont tous obtenus grâce à une fermentation lactique. « La lactofermentation est une méthode de conservation très ancienne », explique Marie Vidrin, maraîchère bio à Baulon (35). « Elle est tombée en désuétude au profit des conserves stérilisées et de la congélation mais connaît un regain d’intérêt depuis plusieurs années. » Depuis 2020, l’agricultrice cultive ses légumes sur 6 000 m2 et sous 540 m2 de serre. La production est diversifiée : choux, carottes, poireaux, radis, betteraves, oignons, ail ou encore aubergines et tomates. Chaque année, ce sont environ 3 tonnes qui sont produites sur ces terres. « J’ai décidé de transformer l’intégralité de mes légumes en aliments fermentés », indique-t-elle. « Je me suis passionnée pour cette méthode dans les années 2015 et j’ai été séduite par ses nombreux bienfaits. »
Les bactéries lactiques en action
« La lactofermentation repose sur l’action des bactéries lactiques naturellement présentes sur mes légumes et donc dans le sol », précise Marie Vidrin. « Aucun ensemencement exogène n’est nécessaire. » Une fois récoltés et lavés, les légumes sont râpés ou émincés, puis placés dans une cuve avec du sel et éventuellement des épices. Ils fermentent alors dans un milieu anaérobie pendant au moins 4 semaines, à une température d’environ 18 °C. Pendant ce laps de temps, les bactéries lactiques vont se développer en se nourrissant des sucres qu’elles transforment en acide lactique. « Rapidement, le pH descend en dessous de 4. À ce niveau d’acidité, toutes les bactéries pathogènes sont détruites et les microorganismes pouvant induire une toxicité sont inhibés. » À l’issue des 4 semaines, la teneur en acide lactique se stabilise et la fermentation s’arrête.
Des bombes de nutriments
Avec la lactofermentation, point de cuisson ni de stérilisation. « C’est un procédé écologique qui nécessite très peu d’énergie », note Marie Vidrin. De plus, le risque sanitaire est faible, car les bactéries pathogènes ne survivent pas dans un milieu aussi acide. En effet, une fois conditionnés, le pH des produits lactofermentés est compris entre 3,5 et 3,8. « Pour autant, ils n’ont pas d’effet acidifiant sur le corps », rassure l’agricultrice. « Au contraire, ce sont de véritables bombes nutritives enrichies en vitamines, en sels minéraux, en oligo-éléments et surtout en probiotiques. C’est également un moyen de ramener de la couleur et des nouvelles saveurs dans son assiette. » Marie Vidrin recommande cependant de déguster ces aliments comme des condiments et non comme des plats principaux. « Une cuillère à soupe contient déjà des milliards de bactéries. Il vaut mieux en manger un peu chaque jour qu’une grande quantité de temps en temps. De plus, il est préférable de ne pas les cuire afin de préserver les nutriments. »
Zéro gaspillage
Marie Vidrin transforme généralement ses légumes entre septembre et mars, une fois les récoltes terminées. « J’y consacre un à deux jours par semaine, avec pour objectif de produire jusqu’à 500 kg par mois. » Le reste de la semaine est quant à lui réservé aux livraisons et au conditionnement. Ses produits, commercialisés sous la marque Les Ferments de la Terre sont distribués dans des magasins de producteurs, des enseignes Biocoop, sur des plateformes en ligne ainsi que sur des marchés et des foires. La gamme inclut différentes variétés de choucroutes aromatisées, des suris de légumes, des achards (spécialités antillaises), du kimchi (chou fermenté coréen) ou encore des tartinades et une sauce pimentée. Même les jus résiduels issus de la fermentation des légumes sont récupérés et mis en bouteille. « Ils peuvent être utilisés en vinaigrette ou consommés tels quels. Ainsi il n’y a aucune perte dans mon procédé de transformation. »
Alexis Jamet
Pour en savoir plus : Pour en connaître davantage sur la lactofermentation, rendez-vous sur www.lesfermentsdelaterre.fr ou à l’adresse mail: contact@lesfermentsdelaterre.fr
Sensibiliser et communiquer
Marie Vidrin propose des ateliers à des particuliers dans le but de faire découvrir la fermentation lactique. « Peu de gens sont familiers avec ces aliments, qui peuvent surprendre du fait de leur goût et leur odeur prononcés », annonce la maraîchère. « Ces ateliers de 3 heures sont l’occasion d’échanger autour de processus de fabrication, d’apprendre la technique et à incorporer ces produits à son alimentation. » À l’issue de chaque atelier, les participants repartent avec deux produits mis en bocaux, prêts à fermenter.