Microcrédit, giga effets !

Voilà 20 ans, la loi de programmation pour la cohésion sociale voyait le jour. Avec, dans son sillage, divers dispositifs en faveur de l’emploi et de l’activité. Parmi ceux-ci figurait le fonds de cohésion sociale destiné à garantir une nouvelle forme de financement : le microcrédit. Un anniversaire que le Crédit Mutuel de Bretagne, pionnier et acteur majeur du secteur, a fêté en compagnie de ses partenaires, à Rennes, la semaine passée.

quatre hommes à une tribune - Illustration Microcrédit, giga effets !
Interrogés par le journaliste Lionel Buannic, Jean-Louis Borloo, ancien ministre de l’Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement ; Alain Bernard, membre du comité scientifique de l’Observatoire de l’inclusion bancaire et Georges Coudray, président honoraire du CMB ont partagé leur expérience du microcrédit.

Les années ont passé. Mais Jean-Louis Borloo n’a rien perdu de sa fougue et de sa faconde. Celui qui fut ministre de l’Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement, sous la présidence de Jacques Chirac, affiche ses convictions. « La force d’une chaîne n’est jamais que celle de son maillon le plus faible ». Hélas, il le déplore, l’époque n’est plus à la cohésion. « Nous sommes aujourd’hui sur le toboggan de l’égoïsme, du chacun pour soi… »

La solidarité a pourtant fait ses preuves. La loi de programmation pour la cohésion sociale de janvier 2005 qu’il avait portée sur les fonts baptismaux avait ainsi généré un véritable souffle. Sur fond de croissance molle, « le chômage était passé de 10,2 % à 7,2 %, tout en réduisant le déficit ». Mais dans une société toujours plus individualiste, où les matrices chrétienne et communiste se sont délitées, ceux qui se soucient d’autrui et contribuent à créer du lien se font rares désormais. « Il reste le monde mutualiste, qui propose un autre regard dont le microcrédit est une illustration, et celui du sport et de la culture », plaide l’ancien avocat.

Un auditoire dans une salle
Associations, missions locales, institutionnels, adminisitrateurs… Quelque 150 personnes ont répondu à l’invitation du Crédit Mutuel 
de Bretagne pour fêter le vingtième anniversaire de la loi ayant permis l’essor du microcrédit personnel.

Un outil « pratico-concret »

Alain Bernard, membre du comité scientifique de l’Observatoire de l’inclusion bancaire, rappelle comment le microcrédit, outil « pratico-concret », émergea sur le terrain dans les circonstances dramatiques de l’explosion de l’usine AZF, à Toulouse, en 2001.

Pour répondre à la situation d’exclusion financière à laquelle devaient faire face certains sinistrés, le Secours Catholique, l’Association pour le droit et l’initiative économique (Adie) et le Crédit Mutuel décidèrent de tester une nouvelle formule. Avec un prêt porté par la banque mais où le bénéficiaire était accompagné par des bénévoles. Et la création d’un fonds de garantie afin de minimiser le risque bancaire. L’expérience fut un succès et démontra que la sinistralité de ces microcrédits était, en réalité, faible.

Georges Coudray, président honoraire du Crédit Mutuel de Bretagne, souligne que dès 1985, sous l’impulsion de son prédécesseur Louis Lichou, un fonds de solidarité avait vu le jour pour venir en aide aux emprunteurs connaissant des difficultés suite à un accident de la vie. Et qu’à l’époque où le CMB s’engagea aux côtés de l’Adie, les banques ne se bousculaient pas au portillon.

Au gré des années, le microcrédit s’est imposé par son efficacité et les mentalités ont évolué. Tant au sein des établissements bancaires que des associations accompagnantes. Sans oublier les bénéficiaires, qui, note Alain Bernard, retrouvent ainsi « confiance, estime de soi et fierté ».

Julien Carmona
Julien Carmona, président du Crédit Mutuel de Bretagne, a rappelé l’étymologie du mot crédit, dérivé du latin credere qui signifie croire. « Le créancier est donc celui qui fait confiance à son débiteur. Une confiance que le CMB cultive depuis toujours ».

Le cumul des exclusions

Vingt ans après la promulgation de la loi, l’objectif de l’inclusion bancaire demeure d’actualité. Car si la porte d’entrée du crédit a bien été ouverte, celle de la sortie, à savoir l’accès à un prêt ‘classique’, reste trop souvent difficile à trouver. En outre, dans ce « sas » du microcrédit personnel, se trouvent aujourd’hui des populations qui n’étaient pas celles visées au départ et qui y ont glissé progressivement. Jean-Louis Borloo s’avoue ainsi terrifié par le « cumul des exclusions » – éducation, emploi, finance, logement… – qui conduit à la désagrégation de la société et à la violence.

Depuis 2020, le fonds de cohésion sociale, qui garantit les microcrédits, est géré par Bpifrance pour le compte de l’État. Tanguy Roudaut, qui dirige l’antenne régionale de la banque publique d’investissement, précise que sur les 1 282 prêts personnels octroyés en Bretagne en 2023, le montant moyen s’est établi à 3 890 euros. Dans 76 % des cas, il s’agissait d’un projet lié à l’emploi ou à la mobilité.

Si en Bretagne, comme dans le reste de l’Hexagone, le nombre de dossiers de surendettement a fortement progressé l’an dernier, Hervé Mattéi, directeur régional de la Banque de France, invite, cependant à relativiser cette hausse. « Sur les 10 dernières années, cela a beaucoup diminué au niveau national ». Les hausses du coût de l’énergie et des charges locatives expliquent aujourd’hui une grande partie des situations de surendettement.

De multiples vertus

Dans un contexte économique délicat, Laurence Fortin, vice-présidente de la Région Bretagne en charge des territoires, de l’économie et de l’habitat, explique comment, pour favoriser la cohésion sociale, la collectivité a fait le choix de privilégier le sport, la culture et la langue. Une action qui s’effectue de manière différenciée, « en accompagnant le plus les territoires les plus fragiles ».

L’élue régionale évoque également la question cruciale du logement, « Nous avons aujourd’hui 100 000 demandes de logement social. Jamais nous n’en avions eu autant. Et nous sommes sur un rythme de construction annuel de 15 000 à 16 000 logements. C’est un vrai sujet ! »

Dans ce secteur aussi, le microcrédit peut jouer un rôle comme en témoigne Roland Cotton, responsable de l’Observatoire des Restos du Cœur. « Nous travaillons en confiance avec des bailleurs sociaux. L’association loue les logements et les personnes accueillies nous règlent le loyer. Souvent, elles n’ont pas les moyens de garnir leur appartement. Le microcrédit permet alors d’acheter des meubles, de l’électroménager… » Décidément, qu’il s’agisse de financer l’accès à la mobilité ou à un logement digne, la formule a bien des vertus et mérite le plus grand crédit !

Jean-Yves Nicolas

Fanny ou la fierté retrouvée

Lorsqu’elle témoigne sur son parcours, Fanny Bengoli Nsase rayonne et capte l’attention de son auditoire. Son récit prend aux tripes. Rien ne semble pouvoir entamer son courage, sa volonté d’aller de l’avant et sa foi en l’avenir. Pourtant, la vie n’a pas toujours été rose pour cette maman solo qui élève deux enfants. Même avec un diplôme, difficile de trouver un emploi lorsque vous n’avez pas accès à la mobilité. Accompagnée par le centre communal d’action sociale de Fougères, la jeune femme a sollicité un microcrédit auprès de la Caisse locale du Crédit Mutuel de Bretagne. Un prêt qui lui a permis de financer son permis de conduire et l’achat d’un véhicule. Après avoir travaillé en intérim, elle a été embauchée, en 2022, en CDI au sein de La Chronique républicaine, le journal local. « Aujourd’hui, j’ai gagné en assurance et en autonomie. Je peux conduire mes enfants à l’école et à leurs activités. Ils sont fiers de leur maman. C’est une revanche pour moi ! »


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