Quand le petit-déjeuner nous ramène à la réalité !

Et si finalement, plus que les images d’inondations à répétition ou la vue des maisons de stars de Pacific Palisades réduites en cendres, c’était notre petit-déjeuner qui nous incitait à réduire notre empreinte carbone ?

PETIT DÉJEUNER AVEC CAFÉ, JUS D'ORANGE ET PAIN AU CHOCOLAT - Illustration Quand le petit-déjeuner nous ramène à la réalité !
Café, jus d’orange et chocolat... La mondialisation et le développement d’une logistique bon marché ont transformé ces produits exotiques du matin, en produits « ordinaires » alors même qu’ils sont produits très loin de chez nous. | © illustrez-vous - stock.adobe.com

Sur les marchés à terme des commodités[1], ceux qu’on appelle les « softs » caracolaient sur le podium fin 2024. Le cacao a connu une hausse annuelle de 178 %, suivi par le café ( +72 % pour le Robusta et + 70 % pour l’Arabica) et le jus d’orange (+57 %). À côté, la progression du gaz naturel, de l’or et de l’huile de palme, respectivement +44 %, +27 % et +25 % fait pâle figure. Sans parler du marché américain des actions, le S&P 500, qui atteint pourtant un record historique grâce à une hausse annuelle de 23 % (un chiffre largement tiré par les performances spectaculaires des « Magnificent Seven[2] » ).

Plus structurel que conjoncturel

Au train où vont les choses, le petit-déjeuner devient un luxe qui doit nous interpeller. Bien sûr, les prix du cacao, du café et du jus d’orange ont déjà connu des flambées, en lien le plus souvent avec des événements climatiques et/ou logistique (Covid). Mais nous entrons dans un épisode relevant plus du structurel que du conjoncturel. La mondialisation et le développement d’une logistique bon marché ont transformé ces produits exotiques du matin, en produits « ordinaires » alors même qu’ils sont produits très loin de chez nous. Le changement climatique, la propagation des maladies et le renchérissement énergétique sont en train de les rendre de nouveaux rares et chers. Une sonnette d’alarme quotidienne…

Des stocks surveillés comme le lait sur le feu

Commençons donc par le chocolat, exposé à des conditions météorologiques défavorables chez les deux leaders mondiaux de la fève que sont la Côte d’Ivoire et le Ghana (60 % des volumes exportés). À New York, la cotation du cacao a dépassé les 12 500 $/tonne fin 2024, du jamais vu. Rappelons que le prix moyen des vingt dernières années a été de 2 300 $ et dépassait rarement les 3 500 $. Il faut dire que les deux fournisseurs ont perdu 25 % de leur production en 2023-2024 et même si la nouvelle récolte s’annonce meilleure, elle devra d’abord éponger les contrats non honorés précédemment. Les prix actuels reflètent l’inquiétude qui règne et qui se concrétise par des stocks mondiaux surveillés comme le lait sur le feu. Ils seraient aujourd’hui l’équivalent de 3 ou 4 mois de consommation. En février, l’ICCO[3] indiquera s’ils sont passés ou non sous la barre des trois mois, alimentant ou pas une nouvelle hausse des prix. Mais vu les dernières nouvelles sur la récolte ivoirienne, les choses ne devraient pas se calmer… La demande, qui est avant tout un achat plaisir, demandera une nette hausse des prix pour se rationner.

un luxe qui doit nous interpeller

Quant au café, son sort n’est pas meilleur. Réchauffement climatique, hausse du coût de l’énergie, géopolitique instable pèsent sur la production. En 2024, la météo a fortement pénalisé à la fois le Brésil (premier exportateur mondial d’Arabica) et le Vietnam (premier exportateur de Robusta). Les deux pays, qui représentent 48 % de la production mondiale, ont tous deux connu une récolte catastrophique. Les cotations de l’arabica sont au plus haut depuis 1977 à la bourse de New York. Le café robusta, d’ordinaire réputé bon marché, et très utilisé dans les mélanges de café instantané, n’est pas épargné non plus par cette tendance haussière. Les industriels augmentent les prix et proposent des conditionnements plus petits. Les problèmes de production récurrents interviennent dans un contexte de hausse de la consommation mondiale. Si l’UE reste le premier consommateur, la demande chinoise est en pleine expansion (+60 % en 5 ans).

Patricia Le Cadre / www.cereopa.fr

[1] Ce segment inclus aussi bien les matières premières énergétiques que les produits agricoles ou les métaux précieux et autres

[2] Ces entreprises sont les GAFAM – Alphabet (entreprise issue de la restructuration de Google), Amazon, Meta (ex-Facebook), Apple et Microsoft –, auxquelles s’ajoutent Nvidia (leader dans la production de matériel et de logiciels en lien avec l’intelligence artificielle, et Tesla

[3] ICCO : International Cocoa Organization

Se reporter sur le jus d’orange n’est pas une option !

Le jus d’orange est produit principalement au Brésil, en Floride et au Mexique. Or la culture y est fragilisée par le dérèglement climatique (sécheresse, ouragan) et la progression inéluctable de la maladie du dragon jaune. La bactérie en cause (véhiculée par un insecte) a d’abord décimé une grande partie des agrumes de Floride (la récolte y a chuté de 75 % en 10 ans) et s’attaque désormais au Brésil. De nouvelles plantations dans d’autres régions sont envisagées, mais un arbre ne rentre en production qu’au bout de 4 ans, et dans certaines zones, l’accès à l’eau et aux usines à jus sont difficiles. Les prix traduisent désormais un déséquilibre entre offre et demande. Celle-ci, malgré une première hausse des prix, reste encore trop forte. Les industriels comme Suntory (Orangina et Oasis) ou Eckes Granini (Joker et Pago) tirent la ‘sonnette d’alarme’. La consommation a commencé à décliner en 2024 et le mouvement pourrait s’accentuer.

Des alternatives au chocolat ?

Face aux enjeux à venir, augmenter la production est une mauvaise idée, tant l’expansion du cacao (comme du café) se fait souvent au détriment des forêts, exacerbant un peu plus le réchauffement climatique. Les industriels sont donc à la recherche d’alternatives. Mondelez (les biscuits Oréo) ou le Suisse Food Brower misent sur du cacao de laboratoire. Cargill, un des plus gros broyeurs de fèves de cacao, s’est associé à une Start-up américaine, Voyage Foods, et incorpore des pépins de raisins dans les pâtes à tartiner… Mais face aux 5 Mt de cacao transformés annuellement, ces initiatives restent très marginales.


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