Benoît Houzé s’est installé seul au 1er janvier 2023 en reprenant l’exploitation de son père à Lamballe-Armor (22). Il conduit des ateliers naisseurs – engraisseurs de 180 truies et de 35 Blondes d’Aquitaine sur une SAU de 95 ha. « J’ai d’abord suivi la filière bac pro Agroéquipement au lycée Pommerit à la Roche-Jaudy (22). J’étais parti vers le machinisme agricole, probablement en ETA. Je ne pensais pas du tout à m’installer », a raconté le jeune homme lors du Forum installation de JA 22 en décembre. En 2014, son père avait d’ailleurs installé un système track dans le bâtiment engraissement en prévision d’une session à un tiers plus tard. « J’ai poursuivi mes études en BTS Acse. Là, l’élevage m’a rattrapé. La gestion et la technique me passionnaient. Revenir à la ferme était devenu une évidence… », poursuit-il. « Je suis même passé du tout au tout : aujourd’hui, je ne touche plus au tracteur. »
Salarié d’abord
À sa sortie de l’école, en 2017, Benoît Houzé n’avait plus qu’une chose en tête : être prêt le jour où son père partirait en retraite. « Tout ce que j’entreprenais se faisait avec mon installation dans le coin de la tête. » Il a d’abord travaillé un an comme salarié de remplacement au Sdaec, souvent en porc, occasionnellement en vaches laitières et en canards. « Cela m’a appris à me gérer moi. En sept heures, je devais faire le boulot en fonction des tâches données. À chaque fois, il fallait comprendre le matériel. C’était un challenge technique et relationnel. » En porc, il a appris par exemple à être plus méthodique pour optimiser le processus de lavage. Le bâtiment d’une ferme laitière côtoyée a aussi inspiré sa future stabulation avec toiture photovoltaïque. « Au Sdaec, ce qui était dur, c’était de s’investir et ne pas voir le résultat. »
Le Costarmoricain a ensuite été quatre ans responsable maternité dans un atelier voisin de 250 truies avec méthanisation. « J’ai appris beaucoup sur le calage des rations truies ou l’usage de cases balances. Je me suis confronté à la gestion en cinq bandes avec sevrage à 21 jours alors qu’à la maison, nous travaillons en 7 bandes 28 jours. En prévision d’un éventuel projet, j’ai aussi vu les avantages et inconvénients de la méthanisation. »
Prêt d’honneur Brit
Tout en étant salarié, Benoît Houzé a suivi le parcours à l’installation (3P) et rencontré ses futurs partenaires. « J’ai monté un dossier avec deux coopératives car je voulais arrêter de castrer : l’une proposait l’immunocastration, l’autre – la Cooperl avec qui je travaille – l’approche mâles entiers. » Il a aussi vu les banques et recommande aux porteurs de projet d’épargner. « Cela peut être intimidant d’aller devant le banquier pour la première fois de sa vie. De nature plutôt économe, j’ai toujours mis de côté. Dans un projet, faire un apport personnel ou avoir la capacité d’en faire un est une force. C’est à la fois rassurant pour soi-même et pour nos financeurs avec qui cela change le rapport. »
L’éleveur a obtenu de la Région un prêt d’honneur Brit agricole (Initiative Bretagne) de 40 000 €. « Il faut connaître son projet par cœur lors du passage devant la commission de professionnels. Ce n’est pas neutre : certains sont à la recherche de dossiers et on peut se faire remarquer. Une banque est d’ailleurs venue me démarcher. » Avec un différé de remboursement de 2 ans, ce dispositif est intéressant pour le fonds de roulement, note le jeune entrepreneur. Ce dernier a d’ailleurs fait jouer la concurrence : « Cela a changé les lignes de mon plan de financement. J’ai finalement quitté notre banque historique pour travailler avec un nouveau partenaire. »
La ferme, un repère familial
Avec du recul, Benoît Houzé a tout de même un regret. « Je suis très prudent, sans doute trop. Cela m’a joué un mauvais tour. Pour garder une marge de sécurité en cas de crise, j’ai basé mon étude sur des résultats techniques très mesurés. J’ai placé par exemple le curseur à 12 porcelets sevrés par portée alors que je suis déjà à 12,5. Pour mon prêt JA, j’ai ainsi demandé le minimum pour avoir le moins d’emprunts possible sur le dos. » Mais ce dossier d’installation a été préparé avant la Covid-19, avant que le prix des matériaux n’explose. « Ma stabulation neuve a coûté 30 % de plus que prévu », calcule le Costarmoricain. En rapatriant tous les bovins sur le site principal (porcin), il a aussi dû construire un silo-couloir « sans budget ». Aux porteurs de projet, il conseille de demander « la plus grosse enveloppe possible » pour le prêt JA en rajoutant des lignes pour de la rénovation, du matériel… « Si tu as besoin de 300 000 €, emprunte 25 % en plus… »
Les années de préparation ont permis de sécuriser la reprise des baux auprès de 18 propriétaires. « L’EARL et son capital social ont été repris sous forme de parts à la valeur économique. » Au quotidien, il est aidé par 1,3 UTH. « J’emploie mon père retraité à hauteur de 30 % d’un équivalent temps plein sous forme de cumul emploi-retraite. Le dispositif est facile à utiliser. Lui est couvert et la situation est claire vis-à-vis de mes frère et sœur pour justifier le temps passé sur l’élevage. » Chef d’exploitation depuis deux ans, Benoît Houzé est épanoui dans ce métier « où il faut toujours avoir des projets dans la tête ». Il est aussi heureux de succéder à son père et son grand-père. « Reprendre la ferme, c’est aussi conserver un pied-à-terre, un repère, où toute la famille peut se retrouver ».
Toma Dagorn
Prendre le temps du proje
Stéphanie Milleret – Responsable de clientèle agricole au Crédit Mutuel de Bretagne
Nous rencontrons parfois des candidats pressés et certaines installations se font trop vite à mon sens. Benoît Houzé, lui, a pris le temps du projet. Après ses études, son parcours de salarié lui a permis d’acquérir de l’expérience et de confronter ses idées. À la fois, méticuleux et réaliste, il était ouvert à l’échange et aux remarques sur son prévisionnel pour affiner son plan de financement. Connaissant bien les défauts et points forts de l’élevage familial, il a su dégager les pistes d’investissement prioritaires pour en corriger les points faibles. Il n’a pas cherché à se développer outre mesure mais bien à rationaliser l’outil pour pouvoir le gérer seul de façon durable.