Dominique Raulo a repris la ferme familiale à Muzillac (56) en 1996, après une expérience de salariat en structure agricole dans les Deux-Sèvres.
« Je ne voulais pas travailler seul ; je cherchais un associé ». Cinq ans plus tard, un ancien collègue, salarié lui aussi dans un organisme agricole, le rejoint sur la ferme pour produire du lait bio avec 55 vaches laitières, sur 90 hectares, essentiellement enherbés.
« Nous avons suivi une formation tous les deux sur les relations humaines en société, en 2001. Nous étions d’accord sur le principe de travailler un week-end sur deux et de prendre 6 semaines de vacances par an ».
Ils établissent alors des règles de fonctionnement : une réunion hebdomadaire et un point tous les matins dans une caravane installée dans la ferme, utilisée comme bureau de l’exploitation. « J’avais auparavant un bureau chez moi, mais nous voulions un endroit neutre ». Malgré ces précautions, la situation se dégrade rapidement.
Pas les mêmes besoins
« J’avais des responsabilités à l’extérieur et j’en avais besoin pour mon équilibre, même si j’étais passionné par mon métier », indique l’éleveur. « Gilles passait plus de temps sur la ferme. On commençait plus ou moins à compter les heures. Je trouvais aussi que l’on prenait trop de temps à prendre des décisions, surtout pour des bricoles ». Pas le même rythme et pas les mêmes besoins.
Malgré cela, les deux associés continuent de partager les mêmes valeurs. « Nous avons essayé de revoir nos façons d’être ».
En 2008, Gilles appelle le Relais médiation du Morbihan (ancien Agri Médiation). Un premier rendez-vous est pris sur la ferme, avec un binôme de médiateurs agriculteurs. « Nous avons eu un second rendez-vous avec eux, cette fois en individuel ».
En phase sur l’essentiel
La médiation a permis aux associés de mieux appréhender leurs différences et de prendre conscience qu’ils étaient en phase sur l’essentiel. « À partir de là, j’ai cessé de culpabiliser de quitter la ferme pour mes activités à l’extérieur. Gilles a cessé de croire que je pensais qu’il n’était pas assez efficace ». Des échéanciers ont été mis en place dès qu’une décision était prise.
Quinze ans plus tard, les deux associés travaillent toujours ensemble, en bonne entente, avec des projets professionnels. « Nous sommes passés à la monotraite, il y a 5 ans. Nous allons accueillir un nouvel associé le 1er mars prochain, après son stage de BPREA, avec un modèle économique qui permettra de travailler à trois, pendant les trois prochaines années ».
Tous trois ont suivi la formation « Poser les bases d’une bonne association » dispensée par la Chambre d’agriculture. « C’est une bonne piqûre de rappel ; je pense qu’il est important de faire une formation aux relations humaines de temps en temps ».
À chaque réunion, animée à tour de rôle par l’un des trois associés, la question sera désormais systématiquement posée : « Avez-vous quelque chose à dire, en bien ou en mal ? », afin d’éclaircir d’éventuelles incompréhensions.
Bernard Laurent
Six médiations ont été réalisées l’an dernier
En 2024, 41 sociétés, essentiellement familiales, ont contacté Agri Médiation Bretagne pour des conflits. « En moyenne, un contact sur six débouche sur une médiation », indique Agnès Jouin, animatrice du réseau. « Beaucoup de personnes nous contactent pour des conflits qui ne relèvent pas de la compétence d’Agri Médiation (conflits de voisinage, foncier…). Nous les dirigeons vers les réseaux concernés ». Quand les conflits opposent des sociétaires, le prix de la médiation peut être un frein (1 266 € en moyenne pour 3,6 rendez-vous) ; l’un des associés peut la refuser… En 2024, 6 médiations ont abouti. Favorablement ? « Si elle a eu lieu, c’est déjà une réussite car la communication a repris entre les sociétaires. Le binôme de médiateurs les accompagne dans leur prise de décision (poursuite de l’activité, séparation…) ». Deux des six médiations concernaient des échanges intergénérationnels difficiles.