« Les vaches sont résilientes, elles arrivent à produire 40 kg de lait par jour même quand elles souffrent des pieds… Pour autant, ce n’est pas normal d’avoir une vache qui boite. Il faut s’en soucier », martèle Lucie Bauthamy, productrice de lait à Avessac (44). Pendant cinq ans avant son installation, l’exploitation – 120 vaches à la traite, des taurillons, 220 ha de SAU – n’était plus gérée que par deux associés. En manque de main-d’œuvre, ces derniers n’arrivaient plus à s’investir suffisamment dans le suivi des pieds. Le pareur, lui, ne passait qu’une fois par an. La dermatite digitale ennuyait une proportion importante d’animaux. « Quand je suis arrivée en 2022, le travail au Gaec a été mieux réparti. Nous sommes deux à temps plein autour du troupeau », reprend la jeune femme (un salarié est aussi arrivé en 2024). L’animalière dans l’âme s’est aussitôt formée. « J’adore mes vaches. Je ne supportais pas d’en voir une marcher sur trois pieds et de ne rien pouvoir faire. » Auprès de Morgan Longé (MSB), pédicure formateur, elle a appris les bases du parage préventif et des soins.
![Une jeune éleveuse devant la cage de parage de son élevage.](https://www.paysan-breton.fr/wp-content/uploads/2025/02/23192.HR-1067x800.jpg)
Détecter, parer et soigner
L’éleveuse insiste sur la détection. « Dès que tu es dans le bâtiment, en distribuant la ration ou en entretenant les logettes, il faut avoir les yeux bien ouverts. » Une petite lésion peut être très douloureuse et pénalisante. « Le comportement de la boiteuse change : elle ne se lève pas, fréquente moins le robot, montre des mouvements de soulagement du pied… Parfois, avant cela, une posture un peu modifiée est déjà un indicateur. »
Lutter contre la dermatite demande du temps
L’exploitation dispose d’une cage de parage depuis presque 40 ans. Son usage est désormais optimisé grâce à la motivation de Lucie. « Nous avons revu son implantation : il n’y a plus de mur en face ce qui facilite l’entrée des animaux. Le jeu de barrières en entonnoir me permet d’opérer seule. » Chaque semaine, elle se réserve du temps pour lever les pattes de 5 ou 6 animaux. Elle pratique un parage préventif pour toutes les vaches avant tarissement. Elle se charge aussi des pieds touchés par la dermatite digitale : après un bon nettoyage de la lésion, elle soigne et pose un pansement. « Je prends mon temps pour obtenir du résultat. Je ne cherche pas le débit. Hier, j’ai vu quatre vaches en une heure et demie. Et si je fais face à un décollement ou un gros ulcère, si c’est trop compliqué, j’appelle le vétérinaire. »
La Ligérienne aime lever des pieds. « C’est un travail satisfaisant où l’on voit vraiment la différence : une vache qui passe dans la cage va en général beaucoup mieux quelques jours plus tard. »
Moins de réformes
Au Gaec, la stratégie passe aussi par des pratiques préventives complémentaires. Le pédicure passe désormais quatre fois par an pour voir une trentaine de vaches à chaque fois. Depuis un an et demi, les associés réalisent également des bains de pieds désinfectants réguliers. Les bacs sont installés à l’extérieur de l’étable : en période en bâtiment comme au pâturage, le troupeau passe tremper ses onglons dans une solution à base de sulfate de cuivre accompagné d’un acidifiant. « Chaque semaine, les pédiluves sont réalisés deux jours consécutifs. Ce rythme semble adapté : notre pédicure a constaté que les lésions de dermatites étaient plus petites et mieux visuellement. »
![Une installation de pédiluves pour bovins à l'extérieur d'un bâtiment d'élevage.](https://www.paysan-breton.fr/wp-content/uploads/2025/02/23191.HR-1067x800.jpg)
Les boiteries, synonymes de réformes et de davantage de génisses à élever, ont des répercussions financières, rappelle Lucie Bauthamy. Au contraire, cette dernière aime voir ses vaches vieillir et produire plus de lait en avançant en carrière. « S’attaquer aux boiteries et lutter contre la dermatite demandent du temps. C’est lourd car c’est sans fin », concède-t-elle. « Mais s’en soucier est déjà un début de solution. Nous avons encore pas mal de dermatite. Si nous ne faisions pas tous ces efforts, ce serait la catastrophe dans le troupeau et nous réformerions beaucoup de vaches pour pas grand-chose. »
Surtout, elle note que ce travail paie : « Le matin, nous n’avons plus de vaches en retard au robot pour des problèmes de pied. Le nombre de boiteuses a vraiment diminué. Le taux de renouvellement est redescendu à moins de 30 %. »
Toma Dagorn
![Des vaches dans une étable au sol recouvert de tapis caoutchouc rainurés](https://www.paysan-breton.fr/wp-content/uploads/2025/02/23193.HR-1067x800.jpg)
La fin des chutes et accidents
Dans le bâtiment, les bétons usés étaient devenus une vraie patinoire, se rappelle Lucie Bauthamy. « Même, nous manquions de glisser. » Les conséquences sur les animaux l’ont surtout marquée : « En 2022, année de mon installation, 10 vaches se sont équasillées. » Les trois associés du Gaec ont alors couvert les sols d’un revêtement caoutchouc (Magellan, de Bioret Agri). « À 94 € / m2, nous y avons réfléchi à deux fois », sourit la jeune femme. « Mais avec du recul, nous aurions dû investir plus tôt. Depuis, aucun animal n’a glissé. » Ces tapis rainurés collectent les jus en faveur d’onglons plus propres et secs. « Cela est favorable au contrôle des boiteries. »