Pour ceux qui suivent le développement des biocarburants un peu partout dans le monde, il ne vous aura pas échappé que les USA, le Brésil et la Chine sont les champions du monde de la transformation du maïs en éthanol. En parallèle, ces trois pays se retrouvent donc avec des quantités importantes de coproduits à valoriser. Une tonne de maïs produit 28 à 30 % environ de DDGS (Dried distillers grains and solubles). La drêche de maïs est en effet additionnée des eaux de trempage du maïs (première étape du process), qui enrichissent celle-ci en protéines. Une partie est ensuite séchée pour être transportée dans les zones d’élevages. Le reste est utilisé en humide aux alentours du site de production. Le coproduit est avant tout utilisé chez les bovins viande, puis les vaches laitières et enfin chez les monogastriques.
Avec plus de biocarburants, il y a plus de drêches à écouler
Un substitut intéressant au binôme maïs/soja
L’usage historique du produit est l’alimentation des animaux de rente. Le coproduit peut titrer 30 % de protéines sur MS(1), un taux variable selon le process utilisé. Les fibres sont digestibles. La teneur énergétique dépend du dégermage ou non du grain. C’est donc un substitut intéressant au binôme maïs/soja. Son prix s’aligne ainsi sur ces deux matières premières de référence. Mais qui dit secteur des biocarburants en forme, dit plus de drêches à écouler… Dans les états du Midwest, le prix des DDGS a ainsi baissé de 24 % en un an, pour pouvoir s’écouler sans problème. Et comme le marché local US (en humide ou en sec) n’est pas extensible à l’infini, l’année 2024 a été marquée par un bond de 13 % des exportations américaines. Elles ont atteint le record de 12,2 Mt et viennent grignoter des parts de marché au tourteau soja dans les pays destinataires. Cela dérange assez peu les USA, plus actifs dans le marché mondial de la graine de soja (52 Mt) que du tourteau (15 Mt).
Le Bresil et la Chine aussi présents sur le marché
Le premier client des États-Unis est le Mexique dont les achats ont progressé de 15 % en 2024, pour atteindre 2,5 Mt. Viennent ensuite la Corée du Sud (1,5 Mt) et le Vietnam (1 Mt), la zone Asie-Pacifique émergeant désormais comme un relais indispensable à l’écoulement des coproduits au-delà du continent américain. D’autant plus que le Brésil patiente dans l’antichambre, et pourrait, à terme, concurrencer les États-Unis sur ses clients historiques. La politique biocarburant volontariste du président Lula accélère en effet la mise en place de nouvelles éthanoleries dans le centre du pays. Cette région est aussi une zone d’élevage de ruminants, ce qui limite le besoin d’exporter pour l’instant. La Chine est quant à elle aussi présente sur le marché international. Très dynamique à l’achat jusqu’en 2015, elle a ensuite changé son fusil d’épaule et appliqué des taxes anti-dumping sur les drèches US. Elle se retrouve désormais plutôt côté vendeur, notamment sur la Corée du Sud et le Vietnam.
L’écoulement des DDGS est loin d’inquiéter l’USDA(2), qui sait que la demande mondiale en produits animaux continue de croître. C’est notamment le cas du cheptel bovin, auquel les DDGS sont particulièrement bien adaptés. Le caractère vertueux des drêches (économie circulaire, protéines non consommables par l’homme) est aussi un atout pour la durabilité des aliments du bétail. L’horizon semble d’autant plus au beau fixe que l’Afrique et le Moyen Orient sont de nouveaux marchés en pleine expansion.
Quelques challenges restent cependant à relever
Côté demande, les utilisateurs se plaignent de la variabilité dans la composition des DDGS, en lien avec des qualités de maïs mais surtout des types de process qui peuvent varier. Ils aimeraient aussi une plus forte concentration en protéines qui permettrait de mieux les valoriser en monogastriques. Ils s’inquiètent enfin des concurrences d’usage, comme l’utilisation en méthanisation ou l’alimentation des insectes. Dans les deux cas, cela évite les coûts de séchage, ce qui n’est pas négligeable pour le fournisseur.
Patricia Le Cadre, www.cereopa.fr
(1) Matière Sèche
(2) Département de l’Agriculture des États-Unis
Le marché malmené par la géopolitique
Au Mexique et au Canada, les éleveurs restent dans l’expectative. Mettre à exécution les décrets signés par la Maison Blanche se révèlerait à haut risque pour l’agriculture US. Les deux voisins représentaient à eux seuls 26 % des débouchés export des DDGS US en 2024. Sans parler des ventes d’éthanol dont le Canada est le premier client. Dès lors, les menaces réciproques de taxation ressemblent plus à un chiffon rouge que l’on agite pour mieux négocier. Quant au marché UE, nous devrions savoir début avril, à quelle sauce Donald Trump compte nous manger ; et à quel genre de mesures de rétorsion nous sommes prêts ! Nous ne représentons que 5 % des débouchés US sur les DDGS avec deux États membres principalement concernés (l’Irlande et l’Espagne important respectivement 0,4 Mt et 0,2 Mt en 2024).
Côté offre
Les producteurs américains se sont inquiétés de la nomination de Brooke Rollins à la tête du secrétariat d’État à l’agriculture. En effet, cette Texanne est connue pour avoir proposé l’abrogation des crédits sur les carburants propres. Mais dans son discours inaugural, fin janvier, elle s’est engagée à « élever et honorer toutes les sources de carburant ». Il faut dire que l’éthanol représente pas moins de 40 % des débouchés du maïs dans le pays. On imagine la force du lobby… Le marché mondial des DDGS était estimé à 17 Md $ en 2024 et pourrait atteindre 24 Md $ en 2029. Les USA ne sont pas prêts à lâcher la part du gâteau !