Élections Chambres d’agriculture : Un paysage syndical en mutation

Les élections aux Chambres d’agriculture de 2025 ont confirmé une recomposition du paysage syndical agricole, marquée par un recul de la FNSEA-JA et une percée significative de la Coordination rurale.

dépouillement d'élections Chambre d'agriculture à Saint-Brieuc - Illustration Élections Chambres d’agriculture : Un paysage syndical en mutation
Le dépouillement s'est déroulé dans les préfectures bretonnes le 6 février. Ici, à Saint-Brieuc

Si la redistribution des cartes s’est principalement manifestée dans le Sud-Ouest et le Centre-Val de Loire, la majorité syndicale bretonne a aussi redouté d’être bousculée durant la campagne. Au final, l’équilibre reste stable, bien que contesté.

Une stabilité sous tension

En Bretagne, toutes les attentions étaient tournées vers le Finistère où la Coordination rurale espérait un basculement historique. À l’image d’un climat national propice au rejet des structures dominantes, l’hypothèse semblait un temps crédible. D’autant plus que la Coordination rurale avait su s’imposer à travers des actions militantes et la présence de Véronique Le Floc’h, figure montante du syndicat. Toutefois, la surprise n’a pas eu lieu : la FDSEA-JA 29 conserve son ancrage, bien que son avance se réduise (-3,72 %).

Le choix de la Coordination rurale de ne pas placer Véronique Le Floc’h en tête de liste dans le Finistère a été perçu comme une erreur stratégique par de nombreux observateurs. Agricultrice engagée et médiatique, son profil aurait pu séduire une partie de l’électorat, notamment féminin, et accroître la dynamique du syndicat. « La Coordination a manqué une opportunité en ne capitalisant pas sur sa popularité », analyse un adhérent de la FDSEA, estimant que cette décision a permis d’éviter une fuite de votants hésitants vers l’opposition.

La FNSEA perd 17 Chambres

Si la FDSEA-JA reste dominante en Bretagne, sa suprématie s’effrite dans tous les départements (-5,4 %), particulièrement en Morbihan (-9 points). Un bouleversement national

De son côté, avec 24,4 % des suffrages, la Confédération paysanne bretonne conforte ses positions partout en Bretagne (+2,4 %). Autrefois principal adversaire de la FNSEA-JA, le syndicat tend aujourd’hui à se positionner davantage sur des thématiques sociétales, s’alliant avec des associations sur des questions comme l’élevage industriel ou l’irrigation. Une évolution qui, si elle lui permet de capter de nouveaux sympathisants, ne fait pas toujours l’unanimité parmi ses membres historiques.

Si la Bretagne n’a pas connu de basculement, la situation est bien différente dans le reste du pays. Avec 14 Chambres remportées, dont 11 nouvelles, la Coordination rurale, qui revendique un tiers des voix, s’impose comme la grande gagnante du scrutin. Des bastions syndicaux comme la Gironde, la Dordogne ou encore le Loir-et-Cher ont changé de camp. À noter dans cette nouvelle répartition des cartes : la Confédération paysanne s’empare de la Chambre d’agriculture de l’Ardèche et prend ainsi la tête de trois Chambres.

Au bilan, la FNSEA-JA subit un certain revers : sur les 101 chambres qu’elle détenait en 2019, elle en perd au moins 17. Pour la première fois, elle doit envisager un avenir où son influence sera partagée.

Un vote de défiance et ses implications

Le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, reconnaît un « recul » du syndicat, bien qu’il en minimise l’ampleur. Toutefois, le message envoyé par les agriculteurs est limpide : ils exigent des réponses concrètes face aux crises économiques, aux nouvelles réglementations et aux aléas climatiques. La FNSEA-JA devra désormais composer avec des syndicats plus combatifs et mieux implantés localement.

Sur le plan financier, cette recomposition du paysage syndical aura des conséquences. L’enveloppe annuelle de 14 millions d’euros dédiée aux syndicats agricoles est répartie en fonction du nombre de voix obtenues et des sièges détenus. Le recul de la FNSEA-JA impactera donc directement son financement.

Didier Le Du

Un manque de lisibilité sanctionné

Bertille Thareau – Sociologue à l’ESA d’Angers

La progression de la Coordination rurale s’inscrit dans une dynamique antisystème avec en ligne de mire la cogestion entre la FNSEA et le gouvernement. Or, ce que l’on appelle la cogestion a évolué depuis 70 ans. Aujourd’hui, elle n’est plus une convergence de vue entre le syndicat majoritaire et le gouvernement. Mais les dissensions structurées par la FNSEA, notamment sur des sujets comme l’agriculture nourricière, l’environnement, etc., peinent à être lisibles par les agriculteurs y compris par les adhérents des FDSEA. Du coup, cet argument de fond contestataire de la CR reçoit de plus en plus d’écho.

Les Bretons ont bien voté

La participation des agriculteurs français aux élections des Chambres d’agriculture a connu une tendance à la baisse au fil des ans. En 2007, le taux de participation pour le collège des chefs d’exploitation était de 66 %. Il est descendu à 54 % en 2013, puis à 46 % en 2019. Avec 45 % de participation, les élections de 2025 semblent marquer un pallier.En Bretagne, comme souvent, c’est dans le Finistère que les agriculteurs ont le plus voté (51,2 %, +1 point). Mais c’est dans le Morbihan que la progression de la participation est la plus forte (+4,87 %, 43,7 % de participation), dépassant ainsi les Côtes-d’Armor (42,3 %).


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Fermer l'écran superposé de recherche

Rechercher un article