« Quand une vache boîte, elle mange moins et passe moins au robot. Il faut la pousser quand elle est en retard. La question est donc d’intervenir le plus vite possible et de façon appropriée. L’enjeu est grand car les boiteries ont une incidence sur la production mais aussi sur les réformes : une boiteuse présente toujours moins d’état au moment du départ », note Olivier Forest qui conduit 70 Montbéliardes en traite automatisée. Et de reprendre : « Depuis que je suis installé, je lève des pattes. Mais je sais que ce n’est pas assez régulier et que je n’interviens pas assez efficacement. » Le Bretillien a ainsi longtemps partagé en Cuma une cage de parage mobile et un jeu de barrières. « Ce n’était pas si simple car il fallait la déplacer et l’installer à chaque fois. »
Il y a un an et demi, profitant d’une enveloppe d’aides du PCAEA (Agri-Invest aujourd’hui) au moment d’agrandir sa stabulation, il a investi dans une cage en propre (8 600 € HT, marque JJF Parage). Les travaux ont permis de créer des boxes d’isolement sur aire paillée. La case servant auparavant d’infirmerie accueille désormais la cage. À proximité immédiate, le robot peut dévier sur commande un animal vers cet espace où il est facile d’intervenir.
Gagner en autonomie et en réactivité
Pour valoriser ce nouvel outil, Olivier Forest a décidé « d’investir » également dans une formation (1 500 €) autour de la santé des pieds pour lui et son salarié Vincent Busnel. Dispensée par Multi Services Bovin, elle se déroule en trois rendez-vous espacés de quelques semaines pour avoir le temps de pratiquer. « L’objectif est d’être capable de lever les pieds pour réaliser les gestes fondamentaux du parage et surtout faire des soins sur les lésions de dermatite qui pose souci sur l’élevage, surtout en hiver quand les vaches ne sortent plus », explique l’éleveur. En gagnant en autonomie, la volonté est d’être plus réactif face à une boiterie alors que les pareurs bien occupés n’ont pas toujours la possibilité d’intervenir en urgence.
Réserver un rendez-vous hebdomadaire pour les pieds
À l’EARL, tous les jeudis matin, les vaches sont bloquées au cornadis. Tous les pieds sont lavés au surpresseur avant pulvérisation d’un désinfectant (Podo Top de CTH). « Ce protocole limite la pression de la dermatite, mais ne l’éradique pas. En complément de ce traitement collectif, nous espérons améliorer la santé des pieds en les levant plus souvent. » La stratégie est déjà prête : réserver un rendez-vous hebdomadaire dans le planning pour voir quelques vaches. « Avec cette rigueur, à raison de 5 animaux vus par semaine, les pieds de tout le troupeau seront vus deux ou trois fois par an. »
Du bon usage de la cage
Le premier rendez-vous de formation a eu lieu début janvier, consacré à l’approche préventive autour du pied sain. La première heure en salle, le formateur Morgan Longé, pédicure expérimenté, est revenu sur la biomécanique du pied du bovin. « Il a apporté un sabot. Cela permet de comprendre les zones d’appui, comment se fabrique la corne ou pourquoi il ne faut pas trop tailler l’onglon interne – l’onglon de référence – qui s’use plus vite », se remémore Olivier Forest. Par la suite, les séances aborderont le parage curatif simple, la pose de talonnette et de pansement et la manière d’appréhender des problèmes plus complexes.
« Cela fait mal au cœur de voir une vache boiter. Bien expliqué, cet apprentissage du parage est donc très motivant », reprend Vincent Busnel. « Le formateur nous a montré que travailler avec des rénettes bien aiguisées est la base. L’opération est alors plus simple et agréable. » Tout est passé en revue : la manière de tenir l’outil (« pas comme un couteau »), la bonne posture d’intervention, les gestes appropriés, la sécurité de l’opérateur et de l’animal… La formation s’accompagne d’un kit de démarrage comprenant rénettes, gants anti-coupures, disque spécifique pour la meuleuse, pistolet et produit de soin, talonnettes et pansements… Si Olivier Forest travaille depuis longtemps avec une cage de parage, il confie avoir appris beaucoup d’astuces autour de son usage dès la première séance. « Par exemple, ne pas redescendre la sangle ventrale quand une vache se couche mais au contraire la remonter d’abord pour que l’animal retrouve ses appuis. Je me rends compte aussi que nous ne levions pas assez la patte à parer. »
Toma Dagorn
Formation à la carte et à la ferme
Plutôt qu’une formation collective, Olivier Forest a préféré une session personnalisée à la ferme. « Cela permet de l’organiser sur une période plus calme en termes de travail : il est important d’être bien disponible avec le formateur mais aussi après pour pratiquer régulièrement, prendre confiance et s’améliorer. » Il y voit aussi l’opportunité de valoriser la main-d’œuvre salariale en lui permettant d’acquérir des compétences. « Bien sûr, l’objectif est que nous puissions intervenir seul sur un pied. Mais faire l’apprentissage ensemble permet de parler le même langage, d’avoir un œil sur la pratique de l’autre, de se conseiller et de se corriger », précise le Bretillien aux côtés de Vincent, son salarié, en pleine action derrière la cage. Apprendre à la ferme, c’est aussi bénéficier d’un cours particulier sur son matériel et dans son environnement au cours duquel le formateur est plus accessible pour répondre aux besoins de ses propres problématiques. « Ainsi, nous n’avons pas encore fixé la cage dans le box. Nous voulions que Morgan Longé en valide l’emplacement », termine l’éleveur
Sélectionner pour de meilleurs pieds
Parallèlement aux efforts dans l’étable (parage, traitement collectif), depuis 10 ans, la santé des pieds et la qualité des membres sont un axe important de la sélection génétique. « C’est un travail de longue haleine. Je fais très attention à la synthèse aplombs en race Montbéliarde. Il arrive ainsi que j’écarte de très bons taureaux parce qu’ils sont mauvais en pattes », tranche Olivier Forest De plus, les vaches à mauvais aplombs du troupeau ne sont pas travaillées pour le renouvellement et orientées vers le croisement industriel. L’éleveur a aussi pris l’habitude de noter les problèmes détectés pour chaque animal lors du passage du pédicure. « Nous allons bientôt enregistrer ces données dans le logiciel de suivi de troupeau. Cela aidera aussi à mettre aussi en lumière les souches ou les animaux plus sensibles. »