Les précipitations ‘records’ enregistrées en Ille-et-Vilaine ces dernières semaines ont été largement commentées. Pourtant, ces chiffres n’ont rien d’exceptionnel vus de l’ouest breton, où des cumuls mensuels de 200 mm et de 50 mm par jour sont courants. Les inondations observées en est-Bretagne relèvent en réalité de plusieurs facteurs.
D’abord, la topographie joue un rôle déterminant. Le bassin rennais et les marais de Redon, situés en zones basses, peinent naturellement à évacuer l’eau, contrairement aux reliefs des Montagnes Noires et des Monts d’Arrée qui facilitent son écoulement vers la mer. D’autre part, l’urbanisation croissante aggrave la situation : sur une surface bitumée, 90 % de l’eau ruisselle, tandis que sur une prairie permanente, 95 % s’infiltre.
Des réservoirs naturels d’eau
L’agriculture constitue donc un levier majeur dans la gestion du ruissellement, certaines pratiques agronomiques favorisant l’infiltration et réduisant l’érosion des sols, limitant ainsi les crues.
Les prairies permanentes jouent ainsi un rôle clé dans la régulation hydrologique. Grâce à un système racinaire dense et profond, elles améliorent la structure du sol et facilitent l’absorption de l’eau. Elles agissent comme une véritable éponge.
La porosité, favorisée par la fissuration des racines et l’activité biologique (macropores, galeries), atteint son optimum dans les prairies de longue durée. Leur préservation représente une solution naturelle et efficace pour limiter les impacts des fortes pluies. Il est regrettable que les détracteurs de l’élevage ne soient pas capables d’adopter une approche holistique : ‘pas de prairies sans ruminants’. De manière provocatrice, disons que, plus les vaches disparaîtront, plus les villes s’inonderont…
Plus les vaches disparaîtront, plus les villes s’inonderont
À l’inverse, la conversion des prairies en terres cultivées, amplifiée par la végétalisation de la Bretagne, favorise le ruissellement et l’érosion. De plus, le passage d’engins lourds accentue la compacité du sol, limitant ainsi la pénétration de l’eau : la vitesse d’infiltration peut passer de plusieurs dizaines de millimètres par heure sur un sol bien structuré à moins de 1 mm par heure lorsqu’une croûte de battance s’est formée.
Par ailleurs, moins il y a d’élevage, moins il y a de matière organique dans le sol. Les agrégats sont alors moins stables et plus facilement dispersés. Cette déstructuration des sols est défavorable à l’infiltration et au stockage de l’eau. Les lombrics, moins nombreux, n’assurent plus le « labour biologique » essentiel à l’homogénéisation et à l’aération du sol.
Certaines pratiques agricoles permettent toutefois d’atténuer les effets du travail du sol sur la rétention de l’eau. C’est le cas des cultures intermédiaires, qui protègent le sol de l’impact direct des gouttes de pluie, réduisant ainsi la formation de croûtes de battance et favorisant l’infiltration. Dans certaines conditions, la réduction du travail du sol préserve également la structure du sol et améliore sa porosité.
Le bocage, un rempart contre les crues
Le rôle du bocage dans la prévention des inondations est également bien établi. Le maillage du territoire par des haies, des talus et des arbres réduit le ruissellement en freinant la vitesse d’écoulement de l’eau et en favorisant son infiltration.
Comparativement à des zones ouvertes, les crues sont moins intenses et le volume de ruissellement est réduit sur les bassins versants bocagers. On parle ici de fonctions biophysiques du bocage. Pour les crues de forte fréquence, la recherche montre des différences notables entre les zones bocagères et celles dépourvues de haies. Dans les premières, les crues sont moins intenses, avec un pic plus bas et un volume d’eau ruisselé inférieur.
Le bocage permet aussi de retarder l’engorgement des sols en hiver, période critique pour les inondations, et réduit la durée de saturation des sols. Or, le paysage a profondément évolué depuis 50 ans : tous les éléments qui le composent – haies, zones humides, cultures et prairies, vergers (autrefois omniprésents dans le bocage) – ont été modifiés, aboutissant à une simplification du paysage. Les conséquences seront d’autant plus visibles que les précipitations vont croître avec le dérèglement climatique.
Didier Le Du
Agroforesterie
Des synthèses bibliographiques font état des travaux menés depuis de nombreuses années, tant spécifiquement sur le bocage que sur les systèmes agroforestiers. Ces derniers présentent des analogies fonctionnelles avec le bocage (De Jong et Kowalchuk, 1995 ; DRAF Bretagne et IDF, 1997 ; Merot, 1999 ; Baudry et Jouin, 2003 ; Viaud et al., 2004 ; Merot et Bridet-Guillaume, 2006).