L’Union européenne ayant exempté le trafic d’engrais du train de sanctions, Poutine a flairé l’aubaine. Constatant que ses ventes vers l’UE augmentaient, il a instauré une taxe de 10 % sur l’exportation d’engrais azotés de synthèse en 2023, ainsi qu’une taxe sur les profits de ses entreprises productrices d’engrais en 2024. Une manne supplémentaire pour financer l’effort de guerre du Kremlin.
Et le rusé maître russe ne s’est pas trompé de cible. Rien qu’en 2023, les importations européennes d’engrais russes auraient rapporté plus de 2,5 milliards d’euros à Moscou et encore plus de 1,2 milliard en 2024. La France, quant à elle, a vu ses importations bondir de 86 % depuis le début du conflit, passant de 402 000 à 750 000 tonnes. De quoi fertiliser plus de 2 millions d’hectares… y compris en Bretagne, puisqu’une partie de ces engrais fabriqués en Russie débarque au port de Montoir-de-Bretagne (44).
Les importations françaises d’engrais ont augmenté de 86 %
Pendant ce temps, les sanctions sur le gaz russe étranglent les industriels européens, qui peinent à produire des engrais azotés à des coûts compétitifs. C’est pourquoi, pour éviter une pénurie et maintenir un semblant de stabilité sur les marchés agricoles, la France a massivement importé des engrais russes. Ubuesque !
Il a fallu attendre janvier 2025 pour que la Commission européenne se décide à réagir en proposant des droits de douane sur les importations d’engrais en provenance de Russie et de Biélorussie. Trois ans de tergiversations, sous prétexte de ménager les agriculteurs… mais surtout, le pouvoir d’achat des consommateurs.
À force de vouloir sanctionner sans s’affranchir – la proposition de taxation de la Commission est toujours en cours d’examen –, Bruxelles se retrouve piégée dans ses propres contradictions. Et, pendant que l’Europe hésite, Moscou, lui, encaisse.