Les paroles tenues à propos des plantes cultivées ont changé. Quand, à chaque problème de maladie, d’adventice ou d’insecte on disait « sois belle et tais-toi », sachant que des solutions phytosanitaires existaient pour chaque cas, on aborde désormais les choses différemment, avec la nuance « tu dois te débrouiller seule ». Cette métaphore utilisée par Nathalie Nesi, directrice de l’unité IGEPP (Institut de génétique environnement et protection des plantes) basée au Rheu (35) résume la situation. Face à des retraits de molécules chimiques, il faut s’armer et se préparer pour piloter autrement les cultures, et les rendre plus fortes. C’est pourquoi l’unité peut compter sur ses 160 permanents et accueille des chercheurs, des ingénieurs, des techniciens et des partenaires privés qui s’attachent « à rechercher et à comprendre de façon durable la santé des plantes ».
Des demandes urgentes qui demandent du temps
La chercheuse en écologie chimique à l’IGEPP Anne-Marie Cortesoro étudie les macro et micro-organismes ; dans le cadre des recherches sur les agents de biocontrôle, « nous nous inspirons de ces interactions biotiques ». Pour exemple, elle cite le comportement des insectes qui « prennent leur décision avec les odeurs : ils trouvent sur les plantes les ressources nécessaires à leur reproduction en captant ces odeurs par leurs antennes ». L’unité cherche alors à diffuser au champ des effluves odorantes qui, demain, pourront dissuader les ravageurs de venir pondre dans les plantes cultivées, avec un effet répulsif, ou au contraire pour attirer vers des plantes semées destinées à piéger. Dans le futur, ces travaux s’utiliseront dans des cas comme une substitution au Phosmet sur colza contre les altises ou pour trouver une alternative aux néonicotinoïdes sur betterave, avec des attaques de pucerons vecteurs de jaunisse nanisante. Des résultats prometteurs avec des pulvérisations dans les champs et dans le cadre du projet Parsada sont d’ores et déjà observés, « avec des produits naturels, non toxiques, à doses très faibles, mais qui sont confrontés à des délais d’homologation très longs. Pour exemple, Il faut 8 ans pour homologuer une solution de substitution aux néonicotinoïdes. Or, le besoin est immédiat ».
Voyage au centre de la terre
L’équipe de Christophe Mougel s’intéresse de son côté au microbiote, qu’il définit comme « l’ensemble des espèces et des micro-organismes qui interagissent avec le sol ». Dans ces êtres vivants, citons les bactéries, les champignons, ou encore les virus. Le chercheur fait observer que « chaque tissu de plante va héberger son propre microbiote. Notre travail consiste à comprendre toutes ces interactions ». En se penchant plus précisément sur le système racinaire des végétaux, il a constaté que le cortège de microbiotes « est façonné par la plante qui libère par ses racines des composés nutritifs ». En échange, un dialogue microbien s’installe, avec des apports de métabolites bénéfiques pour la santé des plantes. Bien loin des premières recherches agronomiques qui présentaient le sol uniquement sous l’aspect d’un support inerte, on se rend compte désormais que c’est la plante qui dicte et favorise ou non telle espèce à proximité de ses racines. Christophe Mougel constate que « l’agriculture de conservation des sols est celle dont les sols sont les meilleurs », car riches en microbiotes. Aussi, ce microbiote sera forcément différent selon les espèces cultivées, mais aussi selon les variétés implantées. La tâche du chercheur est immense, car elle consiste à trouver la fonction de chaque microbiote. « Certains sont présents à proximité des racines, mais uniquement pour consommer du carbone ».
Entre les « bons » et les « mauvais » éléments, la recherche avance pour favoriser les bonnes interactions plante/microbiote. Mais « on ne veut pas reproduire les erreurs du passé. Il faut trouver des solutions durables dans le temps, en évitant les effets cascade qui amènent des faits délétères, comme des micro-organismes émettant des toxines à effet négatif sur les pollinisateurs », conclut-il.
Fanch Paranthoën
Des blés adaptés à une conduite bas intrants et bio
Rémi Perronne – Ingénieur de recherche à l’INRAE
Les surfaces en blé tendre bio en France sont passées de 50 000 à plus de 160 000 ha entre 2017 et 2023. La démarche de création variétale de l’Inra puis de l’Inrae s’est positionnée sur des systèmes de culture en faibles intrants dans les années 90, puis en AB dans les années 2000. Les variétés inscrites aujourd’hui découlent d’un travail de recherche amont long. Des variétés comme Geopolis en résultent, c’est un blé multirésistant à la rouille brune, rouille jaune, septoriose et piétin verse. Aussi, les variétés de demain permettront de réduire les apports d’azote, avec des taux de protéine augmentés de 0,75 à 1 point avec un même niveau d’intrants.