« Les frais de mécanisation sur les exploitations françaises représentent 18 milliards € par an. Et seulement 10 % des machines agricoles sont mutualisées en France, environ la moitié via les Cuma et l’autre moitié via les ETA », chiffre Pierre Supervielle, secrétaire général adjoint de la FNCuma. « C’est un levier de compétitivité », a-t-il ajouté lors de l’assemblée générale de la FRCuma Ouest le 11 mars à L’Hermitage (35).
25 % des charges d’exploitation pour la mécanisation
« Avec 25 % des charges d’exploitation consacrées à la mécanisation, la France est leader européen sur ce poste, contre 19 % au Danemark ou 21 % aux Pays-Bas. » Un potentiel d’économie existe, « estimé jusqu’à 15 000 €/an/exploitation. » Aujourd’hui, les Cuma souhaitent « politiser le sujet de la machine agricole. » En septembre 2024, elles ont notamment publié un plaidoyer et proposent qu’un « pacte en faveur d’une mécanisation responsable, durable et vivable puisse être lancé, comprenant l’ensemble des parties prenantes publiques et privées (agro-équipement, organisations professionnelles, usagers…). »
En France, les politiques publiques « encouragent l’investissement individuel, notamment via les exonérations fiscales. Ce qui renchérit le montant des reprises et des installations » dans un contexte de difficultés à renouveler les générations. « Aujourd’hui, les coûts d’installation (reprise plus investissement sur 4 ans) dépassent 550 000 € (304 000 € par associé). Le coût ‘matériel’ a particulièrement augmenté sur les dernières années », précise Marie Isabelle Le Bars, chargée de mission Installation-Transmission à la Chambre d’agriculture de Bretagne.
Des installations plus économiques
« Alors que 46 % des installations sont désormais hors cadre familial et 40 % des jeunes, non issus du milieu agricole, les Cuma amènent des solutions économiques permettant de limiter les coûts et ont aussi d’autres atouts : intégration sur le territoire, entraide, délégation du travail, échange de pratiques, lutte contre l’isolement. »
Dans le dispositif AgriInstall, la profession agricole et la Région Bretagne encouragent les futurs chefs d’entreprise à s’engager dans un collectif (dont les Cuma). « C’est un critère d’éligibilité à la DJA depuis fin 2024, perçu comme une condition de réussite des installations. » Dans les dispositifs liés à l’installation ou post-installation, la promotion des collectifs et les scénarios Cuma reviennent.
« À l’installation, nous n’avions pas de matériel. »
Depuis décembre 2023, Salomé Lecerf, non issue du milieu agricole, gère avec son conjoint un élevage de lapin dans les Côtes-d’Armor, comptant 2 000 mères et 20 ha de SAU. « À l’installation, nous n’avions pas de matériel. Nous avons fait le choix d’adhérer à une Cuma pour réduire le coût de mécanisation, j’en suis devenue la trésorière. Le groupe tracteur qui a été créé a permis à certains agriculteurs de disposer d’une puissance supérieure, un autre adhérent n’avait pas de tracteur. Nous sommes partis sur une location avec achat en perspective. »
Dans son parcours à l’installation, la partie ‘charges de mécanisation’ a été prise en compte « mais elle aurait pu être affinée. » Parmi les propositions des Cuma, figure le positionnement du diagnostic mécanisation dans la phase d’installation. « Les annuités étant tellement importantes, c’est un enjeu. C’est à ce moment-là que se font les investissements. Mais faut-il le rendre obligatoire sachant qu’une installation est déjà perçue comme un parcours du combattant ? Plus globalement, c’est le niveau en gestion des porteurs de projet qui est à améliorer », note Marie Isabelle Le Bars.
« Si la mutualisation du matériel peut jouer un rôle dans la transmission et l’installation, elle est aussi source d’innovation environnementale et sociale », conclut Laurent Guernion, président de la FRCuma Ouest.
Agnès Cussonneau
Inciter à mutualiser
Opinion – Pierre Supervielle – Secrétaire général adjoint FNCuma
« Nous devons élaborer une feuille de route collective sur la mécanisation de la Ferme France. Les Cuma proposent de poser dans la planification écologique un objectif de mutualisation du parc de machines agricoles à 30 % en 2050. Nous souhaiterions aussi que les outils de pilotage des politiques publiques sur le volet agroéquipement soit renforcés, ainsi que la création d’un dispositif fiscal incitant les agriculteurs à mutualiser les investissements. »
Le matériel agricole plus cher
Le directeur général de l’entreprise Jeantil apporte une explication au coût croissant du matériel agricole sur ces dernières années. « La taille des machines a évolué ainsi que leur niveau d’équipement, par exemple la présence d’hydraulique ou de la pesée sur les épandeurs à fumier », explique Martin Jeantil. « Nous essayons de réduire ces coûts mais nous devons aussi répondre à des évolutions réglementaires : des normes de freinage et de sécurité arrivent en 2025 (ajout de caméra de recul par exemple). » Par ailleurs, « les coûts du travail, de l’acier et de l’énergie sont en hausse. » Alors que les Cuma soutiennent le reconditionnement du matériel couplé à des garanties et des subventions, Martin Jeantil n’y est « pas opposé. » « Nous avons la possibilité de façonner des pièces de rechange dans nos ateliers mais il faudrait pouvoir augmenter leur surface et trouver davantage de main-d’œuvre qualifiée. »