En toute quiétude, Scoubi se promène et fouille le sol de sa propriété des bords de la Penfeld, à Brest. La fourgonnette rose « Pedichon » s’avance lentement dans l’allée ombragée. Curieux, il s’approche du portail pour renifler l’intruse qui descend du véhicule et s’engage vers la maison. Est-ce la voix ? La vue ? L’odeur de la sacoche de travail ? Scoubi se contracte et se met à trembler. Nul doute, c’est elle qui lui a fait des misères l’an dernier, qui lui a biseauté les pieds, meulé les dents, lavé les yeux et les oreilles… Le cochon a bonne mémoire. Les présentations sont brèves. Il faut agir avant que Scoubi ne s’emballe. La soigneuse s’accroupit doucement, prends les pattes opposées de l’animal et d’un geste vif et précis, renverse l’animal sur le dos et le maintien en lui bloquant les pattes avant. Rosalie, la jeune propriétaire, glisse un coussin sous sa tête et tente de l’apaiser en lui caressant le groin. L’opération, indolore pour l’animal, peut débuter…

Sans concurrence en France
C’est grâce à Couscous, son petit cochon noir de race Göttingen, bien connu des habitués du bar le « Brest mêm », que Carole Germain a débuté sa carrière de pédicure. « Je ne savais pas qu’il fallait couper les onglons. J’ai fait la connaissance d’une pédicure pour cochon allemande, sur les réseaux sociaux. Elle faisait une tournée en Bretagne ». Ne craignant pas la concurrence, la spécialiste accepte de la former, sur le tas, pendant quelques jours. Elle lui cède même sa clientèle française, à l’exception, réflexe atavique probable, de l’Alsace et de la Lorraine… « C’est hallucinant. Je pensais être la seule à avoir un cochon. Et finalement, des cochons de canapé, il y en a des milliers en France », lâche la Finistérienne.
Près de 500 clients en France, dont l’association Brigitte Bardot
Sa clientèle s’est encore élargie, suite à ses témoignages dans des médias nationaux : Les grosses têtes, Les douze coups de midi ou encore Tout le monde veut prendre sa place, où la question : « Carole est-elle masseuse pour vache ; chanteuse pour chèvres ; coiffeuse pour brebis ou pédicure pour cochons ? » laissera les candidats perplexes.
Cochons au caractère trempé
Tous les cochons n’ont pas le caractère agréable de Scoubi et de Couscous. Certains de leurs cousins l’ont bien trempé. Les retrouvailles sont parfois musclées. Les cicatrices sur la cuisse et le genou de Carole en témoignent. « Il m’est arrivé de demander au propriétaire de retourner l’animal mais dans la très grande majorité des cas, les soins se font très rapidement et sans le moindre problème ». Les cochons, parfois handicapés par la taille de leurs onglons ou de leurs dents, sont soulagés après les soins. « Lors de mon passage dans le Nord, l’un des cochons avait 3 centimètres de défense enfoncés dans sa joue ». Les articulations des pattes peuvent aussi en pâtir, laissant les animaux sur la paille et les propriétaires désemparés.

Couscous et les chiens dans la fourgonnette rose
Carole ne regrette pas son bar de la rue Saint-Marc. « Avant d’acheter à Brest, j’ai beaucoup voyagé. J’ai fait des saisons, un peu partout en France et à l’étranger ». Toujours avec ses chiens. C’est cette vie de baroudeuse qu’elle veut retrouver grâce à Pédichon. La fourgonnette rose vient de parcourir le Nord du pays pour soigner une cinquantaine de cochons, avec Couscous et ses deux compagnons, Nayad, un vieux Cane Corso et Martin, un chiot au pedigree plus modeste, récemment adopté. Au mois de mai prochain, une centaine de visites sont prévues du côté de Marseille. Elle peut soigner une petite dizaine de porcs dans la journée, quand ils sont regroupés, comme dans les fermes pédagogiques ou sur les sites des associations Brigitte Bardot. Elle compte aujourd’hui 477 clients et pourrait, à terme, en compter encore plus, à condition, bien sûr, de récupérer l’Alsace et la Lorraine…
Bernard Laurent