La dette US, seule clé des marchés

Maïs, soja, blé ou colza, rien ne résiste aux volte-face successives de Donald Trump. Toutes les déclarations du président américain impactent le marché obligataire, les taux de change, la bourse, la logistique et donc de façon directe ou indirecte, le négoce et les prix des matières premières agricoles.

Les drapeux américain, chinois, européen et une liasse de dollars - Illustration La dette US, seule clé des marchés
paper US dollar and coin cent on National USA flag. American theme. High quality photo | © Angelov - stock.adobe.com

Le président américain veut marquer l’histoire, passer à la postérité en permettant aux USA de rester les maîtres du monde. Pas moins ! Pour cela, il lui faut réindustrialiser l’Amérique, rééquilibrer la balance commerciale et éponger le déficit budgétaire. Et pour ce faire, il a vendu les droits de douane à ses électeurs comme la baguette magique qui exaucera tous ses vœux.

7 200 milliards USD de dettes à refinancer en 2025

Un déficit budgétaire colossal

Les États-Unis vivent à crédit depuis des décennies et le plus gros problème de Donald Trump, c’est avant tout le risque du pays de se fracasser sur le mur de la dette. En 2025, le Trésor américain devra refinancer 7 200 milliards USD de dettes arrivant à maturité, un montant colossal. Or le Trésor US ne peut qu’emprunter à des taux bien plus élevés qu’au moment de l’émission initiale, ce qui augmentera significativement le coût de la dette, et donc aussi le déficit budgétaire…. De plus, l’émission d’un volume aussi élevé de nouvelles obligations risque de pousser les investisseurs à exiger des rendements très attractifs, ce à quoi Trump souhaite pallier via la négociation.

Les tarifs douaniers, armes de négociation

Les tarifs, présentés comme un outil durable pour protéger l’industrie, se révèlent finalement des armes de négociation temporaire pour forcer les pays à baisser les leurs. En instaurant les droits de douane, Trump cherche à contraindre les entreprises et institutions détentrices de la dette américaine à la refinancer dans les mois qui viennent (le temps est compté, d’où la rapidité de ses actions). C’est la première étape obligée de son plan, sans laquelle son projet (Make America Great Again) ne pourra pas être mis en œuvre.

Ruée vers la sécurité

Trump, par ses annonces, a donc sciemment semé la panique sur les marchés boursiers, pour rediriger les flux financiers vers des eaux plus calmes (les marchés obligataires). En effet, la demande pour les obligations tend à augmenter lorsque les investisseurs sont inquiets de leurs placements en actions. Cette ruée vers la sécurité (« flight to safety ») fait alors grimper le prix des obligations (jugés plus sûres que les actions), et donc fait mécaniquement baisser leurs rendements (le taux d’intérêt). C’est aussi une façon de mettre la pression sur le FED, qui pour l’instant rechigne à faire baisser les taux directeurs. Mal lui en a pris, car après l’escalade des taxes entre Pékin et Washington le 11 avril puis l’annonce d’une suspension des surtaxes pendant 90 jours et le rebond de Wall Street, les rendements US à 10 et 30 ans ont pulvérisé des records. Du jamais vu dans les manuels d’économie (en général les rendements évoluent à l’inverse des actions) en lien probablement avec des ventes massives de T-bonds[1] US par la Chine.

Toute cette confusion n’a fait qu’affaiblir la crédibilité de la politique commerciale américaine, la confiance des entrepreneurs et des marchés. Et le jeu de poker menteur se transforme en strip-poker, car face aux géants de la tech qui ont financé sa campagne, face à des pans entiers de l’économie américaine qui dépendent des interactions avec le Mexique et le Canada, et face à la Chine qui détient encore une grosse partie de la dette US, Donald Trump enlève progressivement ses effets. En gros, la partie des importations les plus importantes est désormais exemptée de droits de douane réciproques[2].

Patricia Le Cadre www.cereopa.fr

[1] Obligations de long terme du Trésor américain

[2] les Smartphones, les ordinateurs, les puces et autres appareils électroniques sont exclus des nouveaux droits de douane réciproques. Au total, 439 milliards de dollars de marchandises ont été importées de Chine aux États-Unis en 2024 dont environ 100 milliards de dollars d’ordinateurs, de Smartphones et d’équipements de fabrication de puces en provenance de Chine.

Pour les USA, L’ennemi n°1 reste la Chine

Pour le président américain, l’ennemi reste cependant la Chine, seule puissance capable de ravir la première place mondiale aux USA. Mais les deux pays se tiennent par la barbichette. L’empire du Milieu finance la dette US, calque la trajectoire du yuan sur celle du dollar (régime de changes administrés), fournit des pièces détachées pour des fleurons américains (Apple en tête), produit des biens à des prix que les Américains ne concurrenceront jamais. Le talon d’Achille des Chinois reste leur dépendance aux importations agricoles. Mais depuis le précédent mandat de Donald Trump, les fournisseurs potentiels se sont multipliés, Brésil en tête. Ainsi, si les importations de graines de soja US vers la Chine ont été très fortes ces derniers mois (stockage en prévision des rétorsions), elles devraient être ramenées à zéro dans les prochaines semaines. Nous entrons dans le dur, alors même que le Brésil croule sous une forte récolte et que l’Argentine est aussi revenue dans le jeu.

Des économies soutenues par des dettes

Donald Trump recule donc jour après jour sous la pression de ses soutiens financiers, mais aussi du peuple, des réalités, du marché obligataire et de la planète entière. Il n’en reste pas moins que l’ordre monétaire et économique actuel n’est plus tenable parce que la majeure partie des économies est soutenue par des dettes d’une ampleur insoutenable. Trump s’y colle et la suite nous dira si et comment nous pouvons assainir cette connexion entre dettes et désir de souveraineté.En attendant, le négoce agricole s’adapte. Nous assistons au bal des hypocrites, avec des flux de contournement qui montrent toute la créativité des acteurs commerciaux avec la complicité des états !


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