Dans la famille des insectes qui posent problème aux arboriculteurs, le carpocapse et l’anthonome tiennent une place de choix. Le premier est un papillon de fin de journée et de nuit dont la larve abîme les fruits et les rend invendables. Moins préjudiciables pour les pommes à cidre, ces morsures créent toutefois des éventuelles portes d’entrée à des champignons comme « la patuline, problématique si le produit n’est pas fermenté », rappelle Jean-Marc Camus, président du Cidrec (Comité d’initiatives de développement et recherche en cidre). Le second est un petit coléoptère qui s’intéresse aussi aux pommes, et qui fait chuter le rendement à 2 t/ha en cas d’attaque. Il existe encore des solutions pour lutter contre ces 2 agents contrariants des pommiers, comme « des solutions phytosanitaires, de la confusion sexuelle, des filets. Mais la gestion contre le carpocapse est de plus en plus difficile. La région de Nantes souffre pour sa production de pomme de table. On ne sait pas l’expliquer, mais c’est aux portes de la Bretagne », note Dominique Biche, technicien vergers pour la Chambre d’agriculture.
Pinson, rouge-gorge, barbastelle, oreillard…seront recensés et étudiés
Toutefois, la nature est bien faite : si les chauves-souris apprécient les carpocapses, les oiseaux sont friands des anthonomes. Alors pourquoi ne pas favoriser la présence de ces vertébrés pour venir en aide aux arboriculteurs ? C’est l’objectif fixé par le projet AEP Insectivores lancé mi-mars, et ayant bénéficié d’un soutien financier de la Région Bretagne. La Chambre d’agriculture s’est entourée pour mener à bien ce projet de la LPO (Ligue de protection des oiseaux) sur le volet oiseau et sur Cawa, association spécialisée dans les chiroptères.
L’étude va se cantonner à un secteur géographique regroupant 5 sites allant des marais de Dol-de-Bretagne (35) à Tonquédec (22), afin de disposer d’une grande diversité de paysage. Sébastien Gervaise, naturaliste à la LPO Bretagne, va réaliser 2 passages, l’un en avril, l’autre avant l’été.
Des oreilles dans les vergers
Par un transect, le spécialiste des oiseaux va tendre l’oreille pour « recenser les espèces et estimer leur densité ». Les sédentaires, comme les mésanges, les pinsons et les rouges-gorges, risquent d’être entendus en avril. Pour la période d’avant été, on s’attendra plutôt à identifier des fauvettes et des hypolaïs. Seize espèces d’oiseaux ont été retenues, « d’autres pourraient venir, même si elles ne nichent pas dans des vergers. Suivant ces écoutes, nous allons orienter les actions, en installant par exemple des nichoirs adaptés à telle ou telle espèce ». Pour aider à cet inventaire, Sébastien Gervaise sera épaulé de pièges photographiques qui se déclencheront au moindre mouvement. Des arboriculteurs ont d’ores et déjà observé des comportements et des préférences, comme des mésanges qui se plairaient davantage dans les vieux vergers. Le projet cherchera à comprendre comment les attirer dans des plantations plus jeunes.
Même système de recherche avec Elouan Meyniel, chargé de mission chauves-souris pour Cawa. Il utilisera des enregistreurs acoustiques disposés près des petits arbres à pommes, afin de déterminer l’espèce, qui peut être pipistrelle, oreillard ou barbastelle. « La chauve-souris est très mobile, mais nous verrons si le fait d’ajouter des nichoirs augmente leur activité ». Un diagnostic des bâtiments à proximité des vergers complètera l’analyse. « Nous pourrons préconiser des aménagements suivant le potentiel ». Enfin, l’analyse de guano renseignera sur le régime alimentaire de ces souris volantes. En prélevant de la matière fraîche dans des colonies, « on pourra l’analyser et savoir si l’alimentation des chauves-souris coïncide avec des pics de vol des carpocapses ». Ce coup de pouce de la nature pourrait avoir des effets économiques : un arboriculteur fait remarquer que « le poste protection des cultures représente 40 % de nos dépenses. Ce chiffre ne fait qu’augmenter ».
Fanch Paranthoën
Des impacts intéressants en légumes
Opinion – Anthony Brulé – Responsable équipe légume et culture spécialisée à la Chambre d’agriculture
Quand on voit actuellement le nombre de buses qui planent au-dessus des parcelles où les couverts végétaux ont été cassés, on imagine le travail qu’elles font. Aussi, les chauves-souris se nourrissent entre autres de papillons, auraient-elles un effet sur les noctuelles en cultures légumières ? C’est un sujet qui mérite de s’y intéresser et de s’en préoccuper : tous les producteurs ont des bâtiments, favoriser la présence des rapaces aurait des effets contre les pigeons ou les choucas ; les chouettes diminueraient les populations de mulots qui engendrent des dégâts importants sur des cultures comme les choux romanesco.